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Le Château de la Motte-Feuilly en Berry

著者
Gustave Schlumberger
出版
1912年
引用サイト
Google Books

 Par une des plus admirables journées de l'admirable été de l'an dernier, vers le soleil couchant, j'ai visité l'antique manoir de la Motte-Feuilly, auprès de La Châtre, illustré par le séjour de Charlotte d'Albret, femme de César Borgia, qui y passa de longues années et y mourut en l'an 1514. J'ai rapporté de cette excursion dans ces mélancoliques plaines du Bas-Berry, illustrées par la plume de George Sand, une impression profonde.
 Charlotte d'Albret était la fille du vieil Alain d'Albret, dit Alain le Grand, duc de Guyenne, un des types les plus intéressans de la haute féodalité française du Sud-Ouest dans la seconde moitié du XVe siècle. Elle était la sœur du roi de Navarre, Jean d'Albret, devenu tel par son mariage avec Catherine de Foix, sœur et unique héritière de François Phébus, dernier souverain de cette contrée, mort sans postérité.
 Nous ne savons presque rien de la jeunesse de Charlotte. J'y reviendrai plus loin. Je dirai seulement ici qu'elle fut de bonne heure, aux environs de l'an 1497, appelée à la cour de France par Anne de Bretagne dont elle fut une des filles d'honneur. Elle y vivait heureuse sans que rien pût lui faire prévoir le brillant mariage qu'elle était sur le point d'accomplir et qui allait jeter sur son nom le plus tragique comme le plus douloureux éclat. En l'an mil quatre cent quatre-vingt-dix-huit, en effet, le hasard des négociations diplomatiques allait faire d'elle l'épouse de César Borgia, le terrible fils du pape Alexandre VI, alors dans tout l'éclat de sa courte, brillante et dramatique carrière. Voici le plus bref résumé des faits nécessaires à l'histoire de cette extraordinaire union :
 Je n'ai pas à revenir sur les débuts de l'aventureuse, romanesque et violente existence de César Borgia, le plus bel homme de l'Italie au dire des contemporains, peut-être aussi le plus cruel. Né en avril 1476, des relations de son père, alors cardinal vice-chancelier, avec Vannozza, dame romaine, il avait, étant étudiant à l'université de Pise, et malgré son jeune âge, déjà archevêque de Pampelune, reçu la nouvelle de l'élection de son père au souverain pontificat le 11 août 1492. Depuis, sa carrière avait été aussi éclatante que rapide, étrangement favorisée par l'élévation au trône pontifical de ce père qui le chérissait. Dès le mois de septembre de cette même année, bien qu'il n'eût jamais marqué aucun goût pour le sacerdoce, il avait été fait cardinal de Valence en Espagne, ce qui ne l'empêchait pas de s'habiller à la française, more gallico, de chasser sans cesse, portant l'arme au côté, de mener la vie la plus fastueuse et la plus dissolue. Un an après, en septembre 1493, il entrait de fait au Sacré Collège comme cardinal effectif au titre de Santa Maria Nuova, après qu'on eut établi par des preuves la légitimité de sa naissance. Il n'était encore à ce moment que diacre. Il ne reçut du reste jamais que les quatre ordres mineurs et témoigna constamment de la plus grande répulsion pour les liens fragiles qui l'attachaient à l'Église.
 Je n'insisterai pas sur l'histoire de ce brillant parvenu durant les années suivantes, années remplies surtout par l'expédition de Charles VIII en Italie, puis par l'entrée solennelle à Rome d'un autre fils du Pape, Gioffre, prince de Squillace, et de son épouse Dona Sancia, fille naturelle d'Alphonse, duc de Calabre, par la première campagne des troupes pontificales contre les barons romains, par l'assassinat dans la nuit du 14 au 15 juin 1497 du fils aîné du souverain pontife, le duc de Gandia, assassinat que l'opinion publique tout entière imputa aussitôt à César, par la mission enfin de celui-ci à Naples pour y couronner le nouveau roi Frédéric.
 Le meurtre de son aîné fut la cause principale d'un grand changement dans les destinées de César. Depuis longtemps, il détestait l'état ecclésiastique et ne songeait qu'à rentrer dans la vie civile qui lui permettrait d'assouvir sa passion de gloire et de plaisirs, ainsi que sa fureur guerrière, de mener à bonne fin ses projets ambitieux et ceux de son père, surtout de devenir avant tout le chef incontesté des armées pontificales.
 Un nouvel événement également imprévu : la mort subite à Amboise du roi Charles VIII, le 7 avril 1498, moins d'un an après celle de Gandia, précipita encore les événements pour César. Avec leur intelligence pratique, dépourvue de tout scrupule, les deux Borgia, le fils comme le père, eurent tôt fait de deviner à quel point le changement de règne allait servir leurs appétits de gloire. César, qui ne cachait point son ardente envie de déposer la pourpre et de débuter dans sa nouvelle existence par un mariage quasi royal, avait le plus grand besoin de la protection du nouveau chef de la maison de France, Louis d'Orléans, devenu le roi Louis XII. D'autre part, ce dernier, à peine sur le trône, n'avait pas de plus pressant, de plus impérieux désir que d'obtenir de la cour romaine l'annulation de son mariage avec son épouse détestée : Jeanne, fille de Louis XI, la future sainte Jeanne de Valois, pour pouvoir convoler aussitôt en secondes noces avec la veuve de son prédécesseur, cette fameuse Anne de Bretagne qui lui apportait en dot le plus beau fleuron de la couronne de France, le duché de Bretagne.
 Le Pape et César d'un côté, Louis XII et ses conseillers, les deux d'Amboise, de l'autre, ne mirent pas longtemps à s'entendre. Ainsi que le dit Charles Yriarte, l'érudit historien de César, « une logique implacable va désormais présider à l'enchaînement rapide des faits qui vont se dérouler devant nous, César, meurtrier de son frère, rentrera d'abord dans le siècle en déposant la pourpre; une fois laïque et libre, il prendra aussitôt l'épée, et, ramassant le gonfanon de l'Église tombé des mains mourantes de son frère Gandia, il s'intitulera capitaine-général des armées pontificales. Une fois capitaine-général, il cherchera une alliance royale pour s'appuyer sur les forces d'un souverain et reconstituer une armée; vainqueur, il sera duc; duc, il sera roi ou il succombera: aut Cæsar, aut nihil, sera désormais sa devise. »
 Je continue pour ces événemens à suivre le récit de Charles Yriarte. « Dès le mois de février 1498, le bruit de la renonciation du cardinal de Valence occupe les esprits dans toute la ville de Rome. César abandonne de plus en plus le costume ecclésiastique et se montre partout à la française et en armes. Un jour même, accompagnant le fameux Djem ou Zizim à la visite des saintes basiliques, il paraît en costume oriental ! »
 On négocie déjà pour lui une alliance avec Charlotte, la fille du roi de Naples et d'une princesse de Savoie, élevée, comme tant d'autres princesses de haut rang de cette époque, à la cour vénérée de la reine Anne de France. Charlotte doit lui apporter en dot la principauté de Tarente et d'Altamura. Sur ces entrefaites, on apprend la mort soudaine de Charles VIII. Le mariage aragonais finit par se défaire, l'honnête roi Frédéric ne pouvant se décider à donner sa fille chérie à un prêtre fils de prêtre. Alors survient Louis XII qui va dissiper cet affront en comblant les vœux de César et de son père.
 Louis XII, je l'ai dit, était infiniment pressé d'obtenir du Saint-Siège les facilités nécessaires pour pouvoir répudier Jeanne de France et épouser Anne de Bretagne. De son côté, César, bien que voulant à tout prix abandonner sa situation de cardinal, était « follement attaché à son titre espagnol de Valence. » Pour se dédommager presque jusqu'aux mots, suivant l'expression d'Yriarte, on érige en duché le comté français de Valence, de Valentinois, et on lui en donne l'investiture. Ainsi, de cardinal espagnol, il devient duc français avec le même titre. Par d'autres ordonnances royales du même mois d'août 1498, on lui donne encore le comté de Diois, voisin du Valentinois, et la châtellenie d'Issoudun, plus le commandement d'une compagnie de cent lances avec vingt mille livres de pension, plus six mille livres sur le péage du Rhône pour les transports de sel et de vin. En même temps, il est invité à venir en France. Enfin, honneur suprême ! Pour venger l'affront aragonais, le Roi s'engage à lui faire épouser une autre princesse, celle-là française, qui se nomme Charlotte d'Albret. Donc, le jeune défroqué se prépare à venir dans le beau royaume de saint Louis, chargé des dons de la munificence romaine si impatiemment espérés et attendus. Il apporte, cadeau précieux entre tous, les dispenses pontificales signées dès septembre et qui vont permettre à Louis XII d'épouser la veuve de son prédécesseur dès que le procès en répudiation de l'infortunée Jeanne aura été plaidé et jugé ; il apporte encore le bref du 17 septembre donnant le chapeau à Georges d'Amboise, archevêque de Rouen, le conseiller préféré du nouveau roi ; il apporte enfin le projet d'un traité d'alliance militaire offensive et défensive entre le Pape et le roi de France, projet avant-coureur de toutes les futures campagnes d'Italie, qui donnera à Louis l'appui du Pape, de ses parents, de ses amis et de ses alliés « touchant la conquête de Naples et du duché de Milan » et au Pape l'appui de Louis pour détruire la puissance des barons des Romagnes et fortifier d'autant le pouvoir temporel.
 Pressés par leur fougue naturelle, Alexandre et César mènent ces négociations avec une activité extraordinaire. Dès le mois d'août, à la suite de scènes dramatiques et malgré l'opposition acharnée du parti espagnol, le Sacré Collège, sur la prière instante du Pape affirmant que la vie privée du cardinal de Valence est un scandale et que la sécularisation s'impose « pour le salut de son âme, » le Sacré Collège, dis-je, à l'unanimité, « omnes communi et concordi voto, » s'en remet à la discrétion d'Alexandre, donnant à César l'autorisation de rentrer dans la vie séculière et de contracter mariage. Aussitôt Villeneuve, baron de Trans, ambassadeur spécial du roi de France, porteur des patentes ducales du Valentinois pour César, débarqué à Ostie, se rend à Rome et s'acquitte de sa mission auprès du Pape.
 Tout était, du reste, conclu d'avance. Les personnages qui devaient accompagner César en France étaient d'ores et déjà désignés; le splendide trousseau pour la fiancée future, d'un luxe inouï, était prêt. Toutes les merveilles de la Renaissance devaient servir à orner le cortège du royal fiancé, à harnacher superbement ses attelages, à couvrir de diamans, d'armes, de brocarts et de velours, de livrées aussi, ses compagnons et ses innombrables valets.
 La flotte royale française qui devait conduire César auprès du Roi, commandée par le sieur de Sarenon et composée d'un vaisseau, de cinq galères et de deux barques, annoncée pour la fin d'août, n'arriva que le 27 octobre à Ostie. César, monté sur un beau coursier, coiffé d'une toque ornée d'une plume noire, habillé d'un pourpoint de damas blanc bordé d'or, les épaules couvertes d'un manteau de velours noir « à la mode française, » quitta Rome le 7 novembre, et suivit la rive du Tibre et tout le Transtévère. Le Pape resta à la fenêtre jusqu'à ce qu'il eût perdu de vue son fils qu'il ne pouvait se défendre d'aimer, malgré le crime affreux dont il le savait souillé. À Ostie, César s'embarqua sur le vaisseau français avec le baron de Trans, avec Giordano Orsini et toute une foule brillante de jeunes nobles romains, trente en tout. « Pour viatique, dit Yriarte, César emportait 200000 ducats d'or en monnaie sonnante provenant de confiscations et d'amendes sur des juifs et autres. Il emmenait encore cent serviteurs, écuyers, pages et estafiers avec douze chariots et cinquante mules pour les bagages, un majordome, un médecin espagnol, un secrétaire, etc. »
 Au bout de dix jours de lente navigation, la flotte brillante arriva à Marseille. L'archevêque de Dijon reçut César au môle au nom du Roi. La première grande étape du magnifique cortège fut Avignon où le fils du Pape rencontra le cardinal Julien de la Rovère, le futur Jules II, venu à sa rencontre de la cour de France où il vivait, celui-là même qui devait être plus tard l'agent direct de sa perte. « Je ne veux pas cacher à Votre Sainteté, écrivait la Rovère dans une de ses missives au Pape, que le duc de Valence est si plein de modestie, de prudence, d'habileté et doué de tels avantages, au physique et au moral, que tout le monde est fou de lui ; il est en haute faveur à la Cour et auprès du Roi ; tout le monde l'aime et l'estime, et j'éprouve à le dire une véritable satisfaction. »
 Pendant douze jours, la Rovère entretint à ses frais César et sa suite, prodigalité qui lui coûta la somme de 7000 écus d'or. César fit dans Avignon une entrée magnifique, monté sur un cheval barbe, sorti des haras du marquis de Mantoue et présent de ce prince.
 D'Avignon, César gagna Valence, la capitale de son nouveau duché. Il refusa de descendre au château avant d'avoir été mis officiellement en possession de son État. De même, il refusa le cordon de Saint-Michel que Louis XII lui envoyait, déclarant qu'il ne l'accepterait que des mains du Roi. Le voyage se poursuivit par Lyon où la réception par les consuls fut d'une richesse merveilleuse. On a retrouvé dans la chronique de Benoît Maillart, grand prieur de Savigny, les détails relatifs au menu du banquet principal. Ce fut un festin de Gargantua : vingt-huit chapons, vingt-quatre lapins, quatorze douzaines de perdrix blanches, deux de perdrix rouges, seize canards, trente-cinq tourterelles, trois douzaines de bécasses, six levrauts, des grives et des alouettes, douze paons, dix faisans, une rouelle de veau, une pièce de bœuf, un quintal et demi de lard, des oranges, de la vanille, deux « goneaulx (?), » dix-huit pâtés de coings, dix-huit tartes d'Angleterre, dix-huit (bridefaveaux (1), » dix-huit plats de rissolles, dix-huit plats de « foub (?), » dix-huit plats de gelée, des langues de mouton, dix-huit plats « de mestier, » dix-huit pâtés de chapons, dix-huit pâtés d'alouettes, dix-huit dariolles de crème, des amandes, des œufs, de l'eau de rose, de la graisse blanche, etc., deux livres six gros de cannelle, une livre trois gros d'orangeat, une livre trois gros d'anis, une livre un gros de « pignons, » une livre un gros de coriandres, une livre trois gros de « mandrians, » trois gros de dragées musquées, trente-deux « cymaises » d'hypocras, de menues épices : gingembre, muscades, giroflée, sucre de Portugal, malvoisie, muscat, raisins de Corinthe, prunes, dattes, grenades, etc. !

  (1) Mon savant confrère de l'Institut, M. A. Thomas, m'apprend que la vraie lecture est ici « brides à veaux, » sorte de pâtisserie faite de farine, de sucre, de sel, de jaunes d'œufs et de vin blanc.

 D'Avignon, César gagna la Touraine avec une sage lenteur, désirant ne rejoindre le Roi qu'après la fin du procès en annulation du mariage de Jeanne de France qui avait commencé à Tours le 10 août et se poursuivait à Amboise. « Il semblait, a dit M. de Maulde dans sa belle histoire de cette princesse, prendre un plaisir de parvenu à étaler aux yeux des Français les richesses immenses du Pontificat romain. Il ferrait, racontait-on, ses chevaux avec des fers d'or retenus par un seul clou. En réalité, il les faisant ferrer bel et bien en argent. »
 Le 17 décembre, dans l'église de Saint-Denis d'Amboise, en présence d'une foule considérable, émue d'une grande pitié, le vieux cardinal de Luxembourg, sous les huées populaires, durant qu'éclatait un formidable orage, lut avec peine le long jugement qui condamnait Jeanne de France et rompait son mariage avec le roi Louis XII. Le lendemain même, le mercredi 18 décembre, César, qui s'était arrangé en conséquence, faisait son entrée solennelle à Chinon. La veille, le roi Louis XII, sous prétexte d'aller à la chasse, l'avait rencontré, comme par hasard, à deux lieues de la ville et lui avait fait le plus sympathique accueil. À l'entrée du pont sur la Vienne, Borgia trouva les envoyés du Roi. La Cour, réunie au château, attendait impatiemment son arrivée.
 Brantôme, dans sa Vie de César Borgia, a raconté en détail cette fameuse entrée du Valentinois à Chinon. « J'en ai trouvé, dit-il, et vu le discours dans le trésor de notre maison assez bien écrit, et en rime telle quelle pour ce vieux temps et assez grossière ; et pour ce, je ne m'en suis ici voulu aider, car elle pourrait importuner le lecteur, mais je l'ai mise en prose au plus net et clair langage. » Ce curieux récit a été publié bien des fois. Il est nécessaire de le reproduire ici une fois encore, car seul il peut donner idée du luxe prodigieux de la cour pontificale à cette époque : « Le duc de Valentinois entra ainsi le mercredi, dix-huitième jour de décembre, mil quatre cent quatre-vingt-dix-huit. Premièrement, marchaient devant lui M. le cardinal de Rouen, M. de Ravestein, M. le Sénéchal de Toulouse, M. de Clermont, accompagnés de plusieurs seigneurs et gentilshommes de la Cour jusqu’au bout du pont pour lui faire compagnie à son entrée ; devant lui il y avait vingt-quatre mulets fort beaux, chargés de bahuts, coffres et bouges (1), couverts de couvertures avec les écussons et armes dudit duc ; après venaient encore vingt-quatre autres mulets avec des couvertures rouge et jaune mi-parti, car ils portaient la livrée du Roi, qui était jaune et rouge...

  (1) Vieux mot français pour « bourse. » .

Puis suivaient douze mulets avec des couvertures jaunes de satin barrées tout à travers. Puis venaient dix mulets ayant des couvertures de drap d'or, dont l'une était de drap d'or frisé et l'autre ras : ce qui fait en tout soixante-dix au compte. Quand tous les mulets furent entrés dans la ville, ils montèrent tous au château.
 « Et après vinrent seize beaux grands coursiers, lesquels on tenait en mains, couverts de drap d'or rouge et jaune, ayant leurs brides à la genette et à la coutume du pays. Item après cela venaient dix-huit pages, chacun sur un beau coursier: dont les seize étaient vêtus de velours cramoisi, et les deux autres de drap d'or frisé. Pensez que c'étaient, disait le monde, ses deux mignons, pour être ainsi plus braves que les autres. De plus, par six laquais étaient menées, comme de ce temps on en usait fort, six belles mules, richement enharnachées de selles, brides et harnais, tout complets de velours cramoisi, et les laquais vêtus de même. Et après venaient deux mulets portant coffres, et tout couverts de drap d'or. Pensez, disait le monde, que ces deux-là portaient quelque chose de plus exquis que les autres ou de ses belles et riches pierreries pour sa maîtresse et pour d'autres, ou quelques bulles ou quelques indulgences de Rome ou quelques saintes reliques, disait ainsi le monde. Puis après venaient trente gentilshommes, vêtus de drap d'or et de drap d'argent. Item il y avait trois ménétriers, c'est à savoir deux tambours et un rebec, dont l'on usait fort dans ce temps-là..., ces deux tambourineurs étaient vêtus de drap d'or, ainsi qu'était la coutume de leur pays, et leurs rebecs accoutrés de fil d'or : et aussi les instrumens étaient d'argent avec de grosses chaînes d'or; et allaient lesdits ménétriers entre lesdits gentilshommes et le duc de Valentinois, sonnant toujours. Item quatre trompettes et clairons d'argent, richement habillés, sonnant toujours de leurs instrumens. Il y avait aussi vingt-quatre laquais tous vêtus de velours cramoisi mi-partie de soie jaune, et étaient tout autour du dit Duc; auprès duquel était M. le cardinal de Rouen, qui l'entretenait.
 « Quant au dit Duc, il était monté sur un gros et grand coursier, harnaché fort richement, avec une robe de satin rouge et de drap d'or mi-parti et brodée de force riches pierreries et grosses perles. À son bonnet étaient doubles rangs de cinq ou six rubis, gros comme une grosse fève, qui montraient une grande lueur. Sur le rebras (1) de sa barrette, y avait aussi grande quantité de pierreries, jusques à ses bottes qui étaient toutes lardées de cordons d'or, et bordées de perles.

  (1) Revers.

               Et un collier, pour en dire le cas,
               Qui valait bien trente mille ducats.

 « Ainsi dit la rime du dit écrit.
 « Le cheval qu'il montait était tout chargéde feuilles d'or et couvert de bonne orfèvrerie, avec force perles et pierreries. Outre cela, il avait une belle petite mule pour se promener par la ville, qui avait tout son harnais comme la selle, labride ot le poitrail, tout couvert de roses de fin or épais d'un doigt. Et pour faire la queue de tout, il y avait encore vingt-quatre mulets avec des couvertes rouges, ayant les armoiries du dit Seigneur; avec aussi force charriage de chariots, qui portaient force autres besognes, comme des lits de campagne, de la vais selle et autres choses.

           Ainsi entra pour avoir grand renom (ou bruit et renom)
           Ledit Seigneur au château de Chinon.

 « Voilà l'équipage du galant dont je n'ai rien changé du sens de l'original. Le Roi, étant aux fenêtres, le vit arriver, dont il ne faut pas douter qu'il s'en moquât, et lui et ses courtisans, et qu'ils ne dissent que c'était trop pour un petit duc de Valentinois. »
 « Le cortège, dit de son côté l'ambassadeur vénitien (1), se dirigea vers le château de Chinon où devait loger le Duc: deux cents archers de la garde royale l'y attendaient.

  (1) Nous possédons de cette même entrée plusieurs autres récits, entre autres celui de l'ambassadeur vénitien dans les Diarii de Sanudo. Tous ces récits offrent peu de différences. Celui de la Palatine de Florence dit que le cheval de César portait « sur la croupe un artichaut (carciofo) d'or, grand comme nature, la queue retenue par une cordelière d'or, de perles et de pierreries. »

Le Valentinois mit pied à terre et se rendit auprès du roi Louis XII, qui se tenait dans la salle avec toute la Cour. Il se courba profondément, fit quelques pas, puis se courba à nouveau, puis, comme il allait se prosterner, Sa Majesté se leva pour l'en empêcher et le Duc lui baisa seulement la main. »
 Les habitans de Chinon conservèrent de cette entrée extraordinaire une impression profonde. Cependant le Roi et sa Cour, ainsi que nous l'avons vu, raillèrent entre eux « la vaine gloire et bombance sotte de ce duc de Valentinois. »
 Avant la fin de décembre, le chapeau fut remis solennellement à Mgr d'Amboise. Quinze jours après, Louis XII, délivré de la dolente Jeanne, son épouse imposée depuis le mois de septembre 1476, c'est-à-dire depuis plus de vingt-deux ans, se remaria avec la reine veuve Anne de Bretagne. On s'occupa aussitôt après à la cour de France de remplir la promesse qu'on avait faite à César de conclure ses noces avec une princesse française. Fort humilié par le refus définitif de la princesse Charlotte d'Aragon, celui-ci se montrait très pressé. J'ai dit que le choix du Roi était tombé sur Charlotte d'Albret, la plus belle et la plus vertueuse des demoiselles d'honneur de haute lignée qui faisaient à Anne de Bretagne une si brillante et si jeune couronne. On expédia incontinent des ambassadeurs à Alain d'Albret, son père.
 Cet Alain d'Albret, dit le Grand, un des plus grands barons de la couronne de France, qui, suivant l'expression très juste de Charles Yriarte, semble encore un homme du moyen âge, était un étrange et peu sympathique personnage auquel Achille Luchaire a consacré un livre curieux. Il était le chef actuel de cette puissante maison d'Albret, maîtresse, à la fin du XVe siècle, de la grande vallée de la Garonne et de presque tous les fiefs pyrénéens, et qui allait devenir, par le mariage d'un fils même d'Alain, souveraine du Béarn et de la Navarre. Alain était, en outre, comte de Dreux, de Gaure, dans la vallée du Gers, de Penthièvre, de Périgord, vicomte de Tartas et de Limoges, seigneur d'Avesnes et de Landrecies, etc. C'était un puissant feudataire dont l'autorité s'exerçait sur une des plus belles parties du Plateau central. Dans sa longue carrière il devait vivre sous cinq rois. Dans l'espérance, étant veuf de sa première femme, d'épouser lui aussi Anne de Bretagne, il avait, dès 1486, levé des troupes qu'il mena en Bretagne contre les Français ; mais, après avoir forcé ceux-ci à lever le siège de Nantes, il apprenait qu'Anne venait d'être fiancée à Maximilien d'Autriche, abandonnait la partie et faisait sa paix avec Charles VIII.
 Né vers 1440 d'un père gascon et d'une mère bretonne, Catherine de Rohan, d'extérieur lourd et grossier, boiteux, de petite taille, le regard farouche et dur, la figure toute couperosée, Alain avait plutôt, dit Achille Luchaire, l'aspect d'un chef de soudards que du représentant d'une grande famille féodale et d'un des plus riches propriétaires du royaume. Élevé auprès du roi Louis XI, il avait, en 1456, épousé Françoise de Blois, héritière de Blois-Bretagne. En 1471, par la mort de son grand-père, il avait enfin succédé aux vastes domaines des sires d'Albret. De son mariage avec sa femme, il avait eu huit enfans, dont l'aîné, Jean, vicomte de Tartas, avait, en épousant en juin 1484 Catherine de Foix et en devenant de la sorte roi de Navarre, donné un accroissement presque démesuré et bien inespéré à la puissance de la maison d'Albret. Les autres étaient, outre Charlotte à laquelle ces pages sont consacrées, Amanieu, qui fut cardinal et évêque de Pampelune, Pierre, comte de Périgord, Gabriel, comte de Lesparre, Anne, mariée à Charles de Croÿ, Isabelle, mariée à Gaston de Foix, comte de Candale, et une autre fille.
 Je ne conterai pas la vie agitée de cet homme, à l'avidité sans scrupule, sous les règnes de Louis XI et de Charles VIII. À l'avènement de Louis XII, avec lequel il était fort mal depuis la guerre de Bretagne, il fut pris d'une assez vive inquiétude, mais fut tôt rassuré quand il s'aperçut que le nouveau roi avait besoin de lui pour remplir la promesse qu'il avait faite de récompenser Borgia par un riche mariage de tout ce qu'il lui apportait de la part du Pape. Le moment était venu de s'exécuter, et le choix de Louis XII était tombé sur une des filles d'Alain, la belle Charlotte, « une sienne proche parente. » Nous ignorons tout sur la première jeunesse de celle-ci, sauf qu'elle était fort belle et de grande vertu. Elle avait dû recevoir dans la demeure paternelle l'éducation des filles nobles d'alors. De bonne heure, elle avait été appelée avec ses trois sœurs à la cour de France par Anne de Bretagne qui s'occupait alors de former ses filles d'honneur. « C'étoit, dit le Père Hilarion de Coste, dans son éloge de la Reine (1), une école de vertu, une académie d'honneur.

  (1) Histoire catholique des hommes et dames illustres par leur piété, Paris, 4625.

Là, les premiers seigneurs, non seulement de France et de Bretagne, mais aussi des pays étrangers, tienoient à très grande faveur de mettre leurs filles auprès de cette grande Reine qui, comme une autre Vesta ou une autre Diane, tenait toutes ses nymphes en une discipline fort étroite et néanmoins pleine de douceur et de courtoisie. » « Charlotte, dit M. Bonnaffé, avait grandi sous la tutelle intelligente de cette grande Reine au milieu de cette cour honnête, élégante, pieuse, prenant le haut ton de la Cour dans la société la plus choisie, quand Louis XII, à peine monté sur le trône, songea à elle pour César Borgia. »
 Des ambassadeurs furent de la part du Roi et de la Reine envoyés à Alain d'Albret, chargés de lui proposer pour gendre César Borgia, « considérant les louables et recommandables biens et vertu qui sont en la personne de Mlle Charlotte d'Albret, fille naturelle et légitime de haut et puissant prince, Mgr d'Albret, leur proche parente. » Alain d'Albret, dans ses lointains apanages du Midi, et son fils, le faible roi de Navarre, avaient trop d'intérêt à se mettre bien avec leur puissant suzerain pour ne pas accepter avec empressement une pareille proposition. D'autre part, César, à peine débarrassé de la pourpre cardinalice, n'avait point encore, malgré le drame de la mort de son frère Gandia, l'exécrable réputation qu'il devait acquérir par la suite. On assura de la part du roi à Alain que « ledit duc de Valentinois était un très honnête et bon personnage, sûr et discret, et pour avoir et acquérir de grands biens et honneurs en ce royaume. » En outre, Louis XII donnait aux jeunes époux cent mille livres tournois, plus de nombreux autres avantages.
 Le sieur de la Romagère et les autres députés du roi de France exposèrent à Alain d'Albret « qu'il voulût bien entendre et consentir au dit mariage et que, en ce faisant, ils réputeroient très grand plaisir et service par eux leur avoir été faits. » L'intérêt de la couronne de Navarre, constamment menacée par les rois catholiques, était, je le répète, tellement évident qu'Alain, de peur d'offenser le Roi, consentit aussitôt, toutefois avec force restrictions dictées par ses intérêts particuliers, aux propositions qu'on lui faisait.
 Le très curieux et considérable dossier des négociations de ce mariage essentiellement politique est encore aujourd'hui conservé intact dans les Archives de Pau, antique capitale du Béarn. Je n'en rapporterai que le résultat final, me bornant à dire qu'on y suit pas à pas l'âpre méfiance du vieil Alain qui, loin de songer uniquement aux intérêts de sa fille, s'occupe surtout des siens propres. Il fallut beaucoup discuter, beaucoup ergoter. Enfin, le 29 avril 1499, par une lettre datée de sa ville de Nérac, Alain fixa ses conditions définitives. Détail curieux et qui l'honore, il demandait entre autres choses « à voir et toucher » la dispense que, au nom de Louis XII, le sieur de la Romagère affirmait avoir été accordée à César par son père, le Pape ; car lui aussi, comme le roi de Naples Frédéric d'Aragon, n'entendait point donner sa fille à « un prêtre, fils de prêtre. » On discuta encore sur la dot de cent mille livres octroyée au Valentinois par le Roi, et sur l'étendue et la valeur vraie des revenus de celui-ci en dehors de cette dot et des rentes du duché de Valence, du comté de Die, du grenier à sel d'Issoudun, toutes faveurs accordées par le Roi. Alain donnait de son côté à sa fille une dot de trente mille livres tournois payable par échéances. Les conjoints seraient par moitié en meubles et acquêts dès le jour de leurs noces, et si César venait à mourir avant Charlotte, elle aurait pour son douaire quatre mille livres de rentes de prochain en prochain « où bon lui semblerait et laquelle des maisons du duc qu'elle voudrait choisir. » S'il laissait des enfants mineurs, la duchesse aurait l'administration de leurs corps et biens, et ferait les fruits de leurs biens et héritages jusqu'à ce que lesdits enfants soient en âge compétent. Alain émit encore bien d'autres prétentions. On lui accorda à peu près tout ce qu'il voulut, même le chapeau de cardinal pour son fils Aymon ou Amanieu. La reine Anne elle-même s'entremit et écrivit au moins deux fois au vieux seigneur, faisant l'éloge du Valentinois, promettant à Alain sa reconnaissance et celle du Roi, promettant surtout de veiller, elle et son époux, sur la fortune future des jeunes conjoints, quelque inconvénient qui pût leur en arriver.
 Dès le 24 mars, Alain avait envoyé à Blois pour ces négociations son fils Gabriel d'Albret, assisté de messire Regnauld de Saint-Chamans, sénéchal des Lannes ou Landes, et de maître Jean de Calvimont, lequel semble avoir joué dans toute cette affaire un rôle assez équivoque. Le 10 mai enfin, César ayant, pour complaire à son futur beau-père, signé l'acte de cession à sa fiancée de ses biens s'il venait à mourir avant elle, le contrat de mariage fut ratifié « au chastel de Blois par devant les tabellions jurés du scel, » en présence du Roi, de la reine Anne, du cardinal d'Amboise, du chancelier de France, de l'archevêque de Sens, de messieurs de Nemours et d'Orval, des évêques de Bayeux, de Viviers et autres, du sieur de Tournon, du vice-chancelier de Bretagne et des procurateurs du duc de Guyenne.
 Ainsi que le fait remarquer M. Bonnaffé, la dot de la jeune princesse était mince, mais le contrat énonçait un considérant de la plus haute importance, faisant présager le rôle qu'allait jouer César dans la future conquête de Naples et du Milanais : « le Roi espère que ledit Duc, ses parens, amis et alliés, lui feront au temps à venir grands et recommandables services, et mêmement touchant la conquète de ses royaumes de Naples et duché de Milan. » La réciproque comportait l'appui des troupes royales pour le Vatican.
 César, de son côté, dans le mème acte, promettait de consigner ès mains d'Alain d'Albret les cent mille livres données par le Roi pour ètre employées en rentes et en terres au profit de la princesse Charlotte. » Alain avait exigé que les cent mille livres fussent garanties par les quatre trésoriers du Roi ou généraux des finances.
 Le mariage suivit immédiatement. Il fut célébré et consommé le 12 mai. Charlotte avait été surnommée « la plus belle fille de France. » César était à cette époque si bien de sa personne qu'on avait pu dire de lui que « comme Tibère dans l'antiquité, il était le plus bel homme de son siècle. » Dix jours après son union, il envoyait à son père au Vatican un courrier spécial. Telle était la brutalité des mœurs du temps que le nouvel époux raconte à son père sa nuit de noces et ses prouesses à cette occasion,dans un langage tellement libre que je ne puis ici le reproduire (1).

  (1) Dans les Mémoires de Robert de la Marck, seigneur de Fleuranges, le rôle de César dans cette nuit mémorable semble beaucoup moins glorieux puisque, suivant cette source, il aurait été victime d'une cruelle plaisanterie : « Et pour vous conter les noces du dit duc de Valentinois, il demanda des pilules à l'apothicaire pour festoyer sa dame, là où eut de gros abus, car, au lieu de lui donner ce qu'il demandait, lui donna des pilules laxatives, tellement que toute la nuit, il ne cessa d'aller au retrait, comme en firent les dames le rapport au matin ! » Nous savons encore que, suivant la coutume du temps, César avait fait bénir le lit nuptial par un prêtre pour conjurer les maléfices.

Alexandre VI s'amusa fort de ce récit avec son fameux maître des cérémonies Burckhardt.
 Sept jours après le mariage, le 19 mai, jour de la Pentecôte, le Valentinois reçut directement de la main du Roi ce collier de Saint-Michel qu'il avait refusé de prendre de toute autre main,, ce collier somptueux fait de coquilles d'or et de lacs d'amour en soie noire avec l'image du Saint Archange, « presmier chevalier qui, pour la querelle de Dieu, batailla contre l'ancien ennemi de l'humain lignage et le fit trébucher du ciel. » Un courrier, arrivé à Romedès le 23, annonça à la cour pontificale cet événement qui fut célébré par des fêtes publiques.
 Aux premiers jours, la candide Charlotte aima certainement d'amour son jeune et bel époux. La lettre au Souverain Pontife, son beau-père, qu'elle joignit à la missive de César, lui exprimait, dit M. Bonnaffé, ses sentimens de fille dévouée et son vif désir de se rendre à Rome pour le connaitre ; puis, d'un ton enjoué, elle se déclarait très satisfaite de son présent état.
 Mais ce bonheur, si bonheur il y eut, fut de bien courte durée. Quatre mois à peine après son mariage, César reprenait le chemin de sa chère Italie pour y recommencer sa vie de grandes aventures et quittait sa jeune femme enceinte de lui. Hélas ! il ne devait jamais la revoir et la mélancolique destinée de la charmante princesse allait se dérouler d'abord loin de lui, et puis, dans le veuvage, quinze années encore avant qu'une fin solitaire ne vînt mettre un terme à sa solitaire existence.
 Sur le point de quitter sa dolente épouse qu'il aimait certainement alors, César voulant régler ses affaires au moment de ce départ qui s'annonçait gros de périls accumulés, donna à Charlotte sa procuration générale en date du 8 septembre 1499 pour « régir et gouverner ses terres, comté et duché de Valentinois et de Diois et autres ses terres, seigneuries et chevances, étant tant au royaume de France que Dauphiné. » Par un autre acte daté du même jour, il faisait par avance donation à la princesse « de tous et chacun des meubles qu'il aurait au jour et heure de son trépas. » Ce témoignage éclatant, dit M. Bonnaffé, «atteste tout au moins l'union qui régnait entre les deux époux et la confiance que César avait dans l'intelligence et le bon esprit de sa jeune femme. » Il la quitta pour toujours presque aussitôt après et partit avec le Roi pour l'Italie à la tête de deux mille chevaux et de six mille fantassins.
★  Les plus grands événemens se préparaient. Les traités dont Charlotte d'Albret était un des prix, signés entre le roi de France et le Pape, puis entre le roi de France et Venise, allaient préparer la conquète du Milanais et la marche sur Naples. Dès le 9 septembre, on apprenait soudain au Vatican les victoires des troupes françaises commandées par Jacques Trivulce, dit « le grand Trivulce, » Louis de Ligny et le comte d'Aubigny, la prise par elles d'Alexandrie, de Tortone, puis la fuite de Ludovic le More et la prise de Milan. Louis XII était à ce moment à Lyon, d'où il veillait aux préparatifs. César Borgia était auprès de lui.
 Nous ne suivrons pas César dans sa courte, brutale et tragique destinée que tous connaissent. Il suffira de rappeler qu'après la conquête des Romagnes et les jours de gloire et de triomphe marqués par tant de violences et de crimes, les mauvais jours arrivèrent vite pour le terrible condottière. Alexandre VI meurt presque subitement dès le 18 août 1503. Son successeur, Pie III Piccolomini, protège César harcelé par mille ennemis, mais il meurt à son tour subitement le 17 octobre, après vingt-sept jours de pontificat seulement. Alors les événemens se précipitent pour le Borgia. Il abandonne Rome après l'élection de Jules II de la Rovère, son mortel ennemi, et se rend à Naples auprès de Gonzalve de Cordoue, qui s'empare traîtreusement de sa personne et l'expédie prisonnier en Espagne. Enfermé d'abord dans l'affreuse forteresse de Chinchilla, puis dans celle bien plus affreuse et sombre encore de Médina del Campo, il s'évade de cette dernière prison par la plus folle et la plus audacieuse équipée. Il galope éperdument jusqu'en Navarre. Réfugié en décembre 1506 à Pampelune auprès de son beau-frère le roi de Navarre, il se fait tuer misérablement et héroïquement en mars 1507 dans une escarmouche sous les murs de Viana. S'il faut en croire son érudit historien, Charles Yriarte, ses restes, expulsés vers la fin du xvine siècle de l'église de Santa Maria de Viana, par un évêque fanatique de Calahorra, diocèse dont dépend cette ville, auraient été retrouvés récemment dans la calle ou rue de la Rua, au pied même des marches qui donnent accès à la terrasse sur laquelle s'élève cette église.
 Nous ne connaissons malheureusement rien des relations épistolaires qu'entretinrent certainement César et Charlotte, d'abord très fréquemment durant que César triomphait en Italie, puis bien plus rarement, hélas ! alors qu'il expiait ses crimes dans les horribles geôles d'Espagne. Lui, qui aimait tant les femmes, songea-t-il souvent à la sienne dans ses longues et mornes heures de captivité, si dures pour cette âme violente entre toutes ? Nous ne savons rien non plus de la manière dont Charlotte apprit la mort de son époux, très probablement par quelque missive de son frère, le roi de Navarre. Sa douleur fut certainement extrême. Nous ignorons également presque tout de sa vie durant ces sept années et plus qui précédèrent son veuvage.
 Dans le courant de l'an 1500, Charlotte avait donné le jour à une fille qui ne devait jamais voir son père. Nous savons seulement après cela que, pour des raisons à nous inconnues, elle quitta bientôt la brillante cour de sa protectrice Anne de Bretagne pour se retirer en Berry, le plus près possible de sa grande amie, la première épouse répudiée de Louis XII, Jeanne de France, qui, après la perte de son procès, s'était réfugiée dans la capitale de cette province. Nous trouvons d'abord Charlotte fixée dans cette ville d'Issoudun dont son mari, par son mariage, était devenu le seigneur. Les revenus du grenier à sel de cette ville devaient compléter, on se le rappelle, les vingt milles livres de rentes accordées par le roi de France, stipulées dans le contrat. De l'existence de la jeune veuve et de sa fille au berceau dans cette toute petite cité berrichonne nous ignorons tout. Charlotte dut y vivre déjà dans la piété et le recueillement, qui n'excluaient pas le luxe en rapport avec son sang. Elle fit du moins un voyage à Paris, car les archives de Pau contiennent une pièce datée du jeudi 20 février de l'an de grace 1504, par laquelle Charlotte, à Paris, au Châtelet, « en présence de Jacques d'Estouteville, chancelier du Roi, garde de la Prévôté de Paris, déclare avoir reçu l'acte par lequel les trésoriers généraux de France s'étaient engagés le 19 mai 1499 à payer au sieur d'Albret, son père, la somme de cent mille livres à l'occasion du mariage de sa fille; » elle promet en outre à sonpère de faire usage de cette somme bien et dùment en acquisitions nécessaires, du vouloir et du consentement du dit père, et si les deniers sont mal employés par elle, elle rend absolument indemnes de toute responsabilité son père et son mari.
 Ne s'occupant guère que de l'éducation de sa fille, d'exercices pieux et de charités, Charlotte menait au fond du Berry la vie la plus isolée. Sa seule joie était d'aller le plus souvent qu'elle le pouvait visiter à quelques lieues d'Issoudun, dans le château de Bourges, la reine répudiée Jeanne de France. Après le procès de l'an 1498, Louis XII avait donné à la sainte princesse le duché de Berry à titre d'usufruit, avec les revenus des greniers à sel de Bourges, de Buzançais, de Pontoise, celui des aides et impositions du Berry, et le droit de nommer aux offices royaux, sauf au commandement de la Grosse Tour de Bourges dont il se réservait l'administration comme prison d'État. Il lui garantissait en outre un beau douaire de trente mille livres.
 Le 13 mars 1499, Jeanne avait fait dans la cité de Bourges son entrée solennelle. Elle s'installa dans le vieux palais, vaste construction féodale où jadis Charles VII avait reçu Jeanne d'Arc, et inaugura immédiatement cette existence, tout entière consacrée à l'exercice des plus hautes vertus de charité et de piété, qui lui valut à cette époque une si touchante renommée et plus tard l'honneurd'être mise au nombre des bienheureuses. Non contente de combler de ses bienfaits les humbles, les malheureux, les déshérités, de fonder cet ordre de l'Annonciade depuis si célèbre et dont le premier monastère devait s'élever dans Bourges même, sous ses yeux et à ses frais, elle s'entoura dans son intimité particulière d'un petit cercle de femmes de haut rang, comme elle victimes de la vie, qui étaient avec elle en communauté de pensées et d'intérêts religieux et charitables, et qui lui composaient à la fois une petite cour et une véritable congrégation pieuse destinée à l'assister dans ses charités comme dans ses dévotions. Il faut citer avant tout, parmi ces femmes si distinguées que leurs malheurs etleur piété réunissaient autour de lareine découronnée, les noms de la propre dame d'honneur de Jeanne, Françoise de Maillé, de Jeanne Malet de Graville, gracieuse jeune femme mariée à un d'Amboise et qui s'était donné pour mission de ressembler à sa chère reine, de Mme d'Aumont, épouse abandonnée puis veuve, de Mme de Chaumont, deux fois veuve, mère non moins infortunée, de la reine de Hongrie, Béatrice d'Aragon, veuve de Mathias Corvin, puis répudiée par son second époux le roi Ladislas, qui vint en juillet 1502 séjourner à Bourges, enfin de nombre de jeunes filles nobles, malheureuses ou voulant se vouer à la religion : Jeanne de Bourbon entre autres, fille de Guy de Bourbon, qui ne voulut jamais plus quitter la reine et mourut, dit-on, de douleur à sa mort.
 Mais, parmi toutes ces victimes de la société, de la politique, de tant d'autres causes, la plus intéressante certainement était Charlotte d'Albret qui, à l'égal de sa sainte amie, se considérait comme veuve, même avant la mort de son mari. Depuis sa solitude, elle n'avait plus qu'une pensée, plus qu'un bonheur : aller trouver la reine, le plus souvent qu'elle le pourrait, pour vivre de sa vie, partager ses austères exercices, faire à ses côtés des retraites dans ce couvent de l'Annonciade devenu la principale préoccupation de Jeanne et la seconder de toutes ses forces dans le dévouement qu'elle témoignait à sa création. Ces visites à Bourges, l'éducation de sa fille, le soin de ses biens, les intérêts de ses vassaux remplissaient l'existence de Charlotte. La reine Anne avait bien tenté de luiexprimer la tendresse qu'elle ressentait pour elle et de l'attirer à nouveau à sa cour. Elle avait même fait informer de ces sentimens le Pape, qui la remercia par un bref daté de Rome du 26 août 1501. Mais tout fut en vain. En 1508 cependant, nous voyons encore Anne adresser un présent à sa cousine, la duchesse de Valentinois.
 Charlotte d'Albret avait pris le même confesseur et directeur de ses exercices spirituels que la reine Jeanne : c'était le fameux Père Gilbert Nicolas, dit Gabriel-Marie, religieux de l'ordre de Saint-François, « personnage bien versé en la science des Saints, » qui joua un si grand rôle dans les dernières années de la vie de l'ex-reine et qui fut aussi le confesseur de Marguerite de Lorraine, duchesse d'Alençon, « de laquelle la mémoire est en bénédiction. » Le plus grand plaisir que la princesse Charlotte recevait, dit le Père Hilarion de la Coste, c'était quand quelqu'une de ses demoiselles ou filles suivantes embrassait la vie religieuse et voulait servir Dieu dans un monastère. Elle assistait à leur vèture et à leur profession, leur servant de mère et de marraine, s'éjouissant d'avoir donné une nouvelle épouse à Jésus-Christ. Es registres ou archives du couvent des Annonciades de Bourges, on lit que la duchesse de Valentinois assista à la réception d'une de ses filles d'honneur, nommée Anne d'Orval, fille de noble homme Jean d'Orval et d'Isabeau de Molitor, et qu'elle était grandement affectionnée à l'avancement de l'Ordre de la Sainte-Vierge, étant parfaite imitatrice de la bienheureuse Jeanne. »
 En l'an 1504, la princesse Charlotte, très probablement à la suite des malheurs et de la captivité de son époux, désireuse d'établir encore plus discrètement sa vie douloureuse et isolée loin de tous les bruits du monde, abandonna sa résidence pourtant bien claustrale déjà d'Issoudun, pour une localité encore plus méridionale du Berry. Par acte du 20 juin, signé par devant les maîtres notaires royaux à Issoudun, elle acquit pour le prix de vingt-huit mille livres tournois le château de la Motte-Feuilly, entre La Chatre et Château-Meillant, dont elle devait faire sa résidence définitive. Avec le château, elle acheta la terre et les justices du mème nom, ainsi que celles de Néret et de Feusines avec leurs appartenances et dépendances.
 Dans cette nouvelle résidence, Charlotte d'Albret se trouvait plus éloignée de la ville de Bourges, habitée par son amie. Malgré les difficultés de tout voyage à cette époque, malgré les routes affreuses, tantôt montée sur sa haquenée, tantòt transportée en litière, elle continua à accourir auprès d'elle le plus souvent possible. Ce ne fut que pour bien peu de temps : les jours de Jeanne de Valois étaient comptés. Son corps frèle et infirme, épuisé aussi par tant de pieuses macérations, ne se soutenait plus qu'à grand'peine. Dès le 4 février 1505, après une longue agonie, elle expira au milieu de la désolation générale. La douleur de Charlotte fut immense. Elle devait survivre plus de neuf années à son amie. Lorsqu'elle expira elle-même, son vœu le plus ardent fut exaucé, et ses restes mortels furent transportés à Bourges auprès de ceux de Jeanne.
 En l'année 1502, Charlotte fut sur le point d'aller rejoindre César Borgia en Italie. Il semble même qu'elle devait lui amener sa fille, la petite Loïse, dont le marquis François de Gonzague, de Mantoue, avait sollicité les fiançailles avec son fils, le prince héritier, Frédéric. Le cardinal Amanieu d'Albret devait accompagner sa sœur et sa nièce. Mais Charlotte tomba gravement malade, et le voyage d'Italie fut abandonné.
 Il est grandtemps de parler de ce château de la Motte-Feuilly qui est le but principal de cet article. Charlotte y a vécu dix ans avec sa fille dans la retraite la plus absolue. C'est là qu'au printemps de 1507, elle eut la douleur d'apprendre la mort tragique et misérable de son sanguinaire époux. C'est là qu'elle mourut elle-même en 1514.
 Les agrestes environs de la charmante petite ville de La Châtre et de la Vallée Noire, tant vantés par l'illustre châtelaine de Nohant, sont peuplés d'antiques demeures féodales, véritables forteresses médiévales avec hautes tours cylindriques, coiffées de toits aigus, qui redisent encore les hauts faits de notre vieille histoire nationale, et surtout la lutte séculaire contre l'Anglais au xive siècle. Une aimable hospitalité reçue dans celui de ces châteaux où George Sand a placé les principales scènes des Beaux Messieurs de Bois-Doré m'a permis de parcourir à mon aise cette région si riche en souvenirs guerriers de la vieille France. De tant d'impressions poignantes rapportées de ces courses de quelques jours, je ne parlerai ici que de ma visite au solitaire et mélancolique manoir de la Motte-Feuilly. L'antique seigneurie, devenue la résidence de la duchesse de Valentinois, est située à deux lieues de La Châtre, auprès d'un tout petit hameau. Son nom, trop souvent mal orthographié ou déformé dans les actes du temps, constamment écrit : Mons Foliatus dans les anciens documens latins et qui devrait s'écrire en réalité la Motte Feuillue ou Feuillée, s'orthographie actuellement et depuis longtemps la Motte-Feuilly. Au moment où Charlotte en fit l'acquisition, elle appartenait à la famille de Culan qui possédait à peu de distance le magnifique chateau de ce nom, aujourd'hui encore une des gloires féodales du Berry.
 « En dehors du voisinage de Jeanne de France, le choix de cette résidence par Charlotte, dit M. Bonnaffé, n'était pas indifférent, car le fief de la Motte-Feuilly, situé dans le Bas-Berry, entre La Chatre et Chateau-Meillant, était voisin de plusieurs seigneuries appartenant à Jean d'Albret, son oncle, à Jean de Brosse, son cousin, à sa cousine Louise de Bourbon, à ses parens les La Trémoille. »
 Dès l'origine, dit le même auteur, Charlotte eut des procès à soutenir pour sa nouvelle acquisition. Une partie des revenus de la Motte-Feuilly fut frappée d'opposition; il fallut payer aux vendeurs un supplément de, prix, désintéresser leur sœur, moyennantun nouveau payement de deux mille livres. Enfin, le 1er février 1506, intervint une sentence définitive du prévôt de Paris ordonnant que « la terre et seigneuries de la Motte de Feuilly, les fruits et revenus d'icelle soient délivrés au profit de la duchesse et l'empèchement mis en eux levé et ôté. » Charlotte, on le sait, était fort riche. Elle avait l'administration des biens très considérables de son mari en France. Probablement César avait préféré mettre une partie de sa fortune dans ce pays et en confier le soin à sa femme.
 « Au temps où la duchesse de Valentinois vint à la Motte-Feuilly, dit Edmond Plauchut, de grands bois couvraient le pays. Les loups les peuplaient, comme aujourd'hui parfois encore et la principale et unique pièce d'eau que l'on vit dans le voisinage, l'étang de Rongères, n'était animé que par des passages de grues qui se plaisent sur ces rives désertes. S'il est un ciel presque toujours exempt de tempètes, une atmosphère tiède et calme, des nuits silencieuses, des levers et des couchers de soleil empreints d'une grande tristesse, c'est bien dans cette région du centre de la France qu'on les rencontre. A celle qui voulait oublier le monde et s'en faire oublier, le site convenait. »
 Charlotte résida à la Motte-Feuilly jusqu'à sa mort, dans une solitude presque absolue, uniquement occupée à prier Dieu, à élever sa fille, à faire du bien autour d'elle, surtout à faire à ses humbles vassaux et aux pauvres des villages environnans des visites charitables. Elle allait les voir tantôt sur sa haquenée à la selle de velours cramoisi recouverte de drap d'or, tantôtportée dans sa somptueuse et confortable litière. Son panégyriste, le Père Hilarion de la Coste ou de Coste, nous dit « qu'elle nourrit et éleva sa fille avec un grand soin et diligence digne d'une bonne et prudente mère. » Après la mort de Jeanne de Valois, elle continua à s'occuper avec une extrême diligence de l'œuvre de l'Annonciade de Bourges qui avait été si chère au cœur de la défunte reine et à l'avancement de laquelle, dit encore le Père Hilarion, elle était grandement affectionnée, « étant parfaite imitatrice de la bienheureuse Jeanne ! »
 La mort de César, arrivée moins de trois années après l'établissement de Charlotte dans cette solitaire résidence, lui porta un coup terrible et transforma encore sa vie. Depuis sept ans séparée de lui, elle avait toujours espéré le revoir. Elle résolut alors, malgré ses vingt-cinq ans à peine, de vivre dans le deuil et dans la retraite les plus sévères. Elle fit fermer et démeubler à la Motte-Feuilly tous les appartemens de réception et n'y remit plus jamais les pieds, se réservant uniquement pour elle et sa fille les pièces indispensables à leur existence, qu'elle fit entièrement draper de tentures noires. Suivant l'usage du temps, son mobilier même devint funèbre. Son lit fut tendu de damas noir, celui de sa fille de serge noire. De même les sièges, les coffres, les bahuts furent cachés sous des housses noires portant ses armes. Ses robes fourrées d'hermine et de martre furent constamment de drap noir. Même « la selle de sa haquenée fut couverte de velours noir avec tout le harnais étant aussi de velours noir. »
 Il ne faut pas croire que cette excessive austérité d'existence fût naturelle à Charlotte d'Albret. C'était une très grande dame qui, même dans cette lointaine retraite du Berry, avait vécu jusque-là dans le plus grand luxe. M. Bonnaffé, qui a publié en 1878 l'Inventaire de sa succession, rédigé après sa mort en présence de sa fille par les magistrats royaux, Inventaire retrouvé dans les Archives si riches du duc de La Trémoïlle, nous a fourni par ce document les plus précieux renseignemens sur la vie matérielle que menait cette princesse à la Motte-Feuilly avant le grand deuil qui l'accabla. Sa maison était montée sur le plus grand pied : six écuyers, Claude de la Perrière, seigneur de Billy, Jehan de Moussy, seigneur de la Motte-Fleury, Rémond de Grossolles, seigneur d'Asques, Jehan de Mareuil, seigneur de Montaboulin, Pierre de Regnard, seigneur de Maray, François Amignon, seigneur de Clois, un aumônier, messire Robert Challopin, un receveur, messire André du Vergier; quatre filles et femmes servantes, toutes nobles demoiselles : Catherine de Regnard, Marie de Lavoyne, Marie de la Perrière, Magdeleine de Mazellon; une femme de chambre, Catherine Challopin, une femme attachée au service de la fille de la duchesse : « Mademoiselle Loïse ; » un valet de chambre, un clerc de l'argenterie, un sommelier de paneterie, un sommelier d'échansonnerie, un tailleur, un clerc de dépense, deux cuisiniers, un boulanger et d'autres employés subalternes.
 L'argenterie énumérée dans l'Inventaire était magnifique, conservée dans de nombreux coffres de bois recouverts de cuir : treize pièces en or massif, treize en cristal de roche monté, trois cent trente-quatre en argent ou en vermeil, façon de Hongrie ou d'Espagne, merveilles d'orfèvrerie de l'époque, la plupart émaillées, plus vingt servant à la chapelle; plats armoriés, bassins à laver les mains avant le repas, ou à servir des dragées, drageoirs admirables, grandes pièces contenant les épices de chambre , confitures et bonbons à la mode, gobelets, coupes superbes, tasses, assiettes, tranchoirs ou vastes plateaux à découper les viandes, saucières, trois fourchettes seulement servant à des usages exceptionnels comme de manger des mûres, des grillades de fromage, etc. (1); buires, aiguières, pots innombrables à eau, à vin, etc.; flûtes et trompes d'argent; pommes pour tendre les garnitures de lit, chandeliers en façon de tourelle, cuillers en quantité, « cocotières » pour les œufs à la coque, clochettes, fermoirs de livres, plats, lavabos pour le prêtre, encensoirs, boîtes à hosties, chopinettes pour le vin de la communion, croix, crucifix, baisers de paix, lanternes, chandeliers d'autel en or, cassolettes en argent, cannettes, calices, custodes, bénitiers avec éponges et goupillons, arrosoirs ou chante-pleurs à jeter de l'eau de rose, cages « à mettre oiselets de Chypre, » sorte de porte-parfums très à la mode à cette époque, pommes à senteur, pommes servant à rafraichir les mains ou à les réchauffer, vaisseaux d'argent à quatre anses, nefs, biberons pour malades, coquemards, salières, plats pour contenir les épices, les serviettes, l'éventail et les gants, flacons, chaufferettes, poêlons armoriés, les deux sceaux d'argent de la princesse contenus dans un petit coffret.

  (1) A cette époque, on mangeait encore avec le couteau ou la cuiller, surtout avec les doigts, en s'essuyant à tout moment à la serviette jetée sur l'épaule gauche.

 La plupart de ces pièces magnifiques de grande orfèvrerie, qui sont énumérées au début du précédent paragraphe, provenant d'Italie ou d'Espagne, constituaient certainement la fameuse argenterie dont s'était tellement enorgueilli le Valentinois et que ses mulets richement pomponnés portaient sur leurs dos bariolés lors de son entrée à Chinon. Armoriés aux armes de France et des Borgia qui sont d'or au bœuf passant de gueules sur une terrasse de sinople à la bordure de même chargée de trois flammes de champ, elles ne sortaient des coffres que dans les grandes occasions. Cent trente pièces aux armes de la duchesse étaient destinées au service journalier.
 Les bijoux, diamans et pierres précieuses aussi étaient splendides . L'évaluation des prix semble énorme pour l'époque. L'énumération de ces richesses m'entraînerait trop loin. Beaucoup de ces (objets étaient enfermés dans des coffrets d'ivoire doublés de velours à serrures d'argent. On remarquait surtout deux perles énormes, dont l'une est estimée quatre cents écus d'or, des broches, des anneaux, des cabochons dont l'un est estimé deux cents écus d'or, une « table de diamant estimée trois cents écus d'or, une émeraude : huit cents écus d'or, une foule d'autres bijoux ou objets précieux: coupes, salières et cuillers d'or, une fourchette d'or, des petits coffres de senteurs, des fioles de senteurs, des « oiselles de Chypre, » pâte de senteur spéciale, de la cyvette en quantité, des tableauxreliques, une foule de chapelets de toute matière : bois de senteur, corail, chalcédoine, jais, ambre ; des verres, des coupes et des aiguières de cristal, un merveilleux bénitier en agate monté sur argent, estimé la somme énorme de huit mille écus d'or, sans doute un chef-d'œuvre venu d'Italie ; un autel portatif de jaspe monté sur vermeil, provenant de la chapelle cardinalice de César; un petit coffret contenant pour près de huit mille écus d'or de bijoux: perles, pierres précieuses minutieusement décrites par le scribe officiel, un collier d'or avec vingt rubis et quatre-vingts perles, estimé mille écus d'or, deux diadèmes estimés l'un quinze cents, l'autre seize cents écus d'or, une foule de pièces d'habillement enrichies d'orfèvrerie : gorgerins, carcans, ceintures, chaînes, bracelets, plus de cinquante autres objets de luxe en or de toute espèce: un rocher d'argent « pour oiseaux de senteur, » des plumes et roses de diamans, un griffon volant en or, un luth d'or, une pomme de senteur d'or, des heures d'or, des enseignes, des reliquaires, des étuis, des papillons, des croix, des custodes, des flacons, des poires, des tourelles à senteur toujours en or, des chapelets en or en masse, un chardon d'or (peut-être le fameux artichaut qui ornait à Loches la croupe du cheval de César), des écharpes de fil d'or, des chiffres en or, une épinette.
 L'Inventaire contient encore l'énumération de tous les papiers très nombreux de la duchesse : son contrat de mariage, ses titres de propriétés, les reçus de ses divers créanciers ou débiteurs, tous papiers contenus dans des coffres, des armoires, des sacs de toile ou de cuir rouge ou blanc. Vient ensuite un chapitre consacré à une foule de vêtemens: robes et cottes d'étoffes précieuses tissées d'or, puis des housses de selle, des pièces de velours, de satin de toute couleur, de drap d'or frisé, de damas, de taffetas de toute couleur aussi, des couvertures, des coussins (en nombre infini, des draps ou « lincieulx » de toile de Troyes et de Hollande, des oreillers fins, quatre-vingthuit tapisseries de Felletin et de Normandie, d'innombrables autres tapisseries de haute et basse lisse et tentures de fils d'or, de soie et de satin cramoisi, réunies presque toutes dans une pièce close, scellée et fermée, d'autres encore « représentant le Vieux Testament et le Nouveau, » des tapis sans nombre, beaucoup de « ciels de lits » et de rideaux d'une extrême richesse, des courtepointes de damas d'or broché « fait à roses, » doublé de taffetas cramoisi, des dosselets ou coussins de velours également cramoisi, bordé de drap d'or, frangé de fil d'or et de soie violette, avec pendans de velours cramoisi etde drap d'or, une foule de tentures de satin broché d'or, des pendans de satin broché à grandes et petites roses d'or, à franges de fil d'or et de soie, encore d'autres pièces de satin, des tapis de Turquie. Tous ces objets magnifiques avaient été, je l'ai dit, enfermés dans des coffres par ordre de Charlotte, à la mort de son mari, au moment où elle prit ce grand deuil qu'elle ne devait plus quitter.
 L'Inventaire énumère ensuite d'innombrables fourrures, des peaux d'hermine, de zibeline, soixante-quatre peaux de martre dans un coffre, mille autres objets d'usage rare ou curieux, un coffre en bois« auquel l'on a accoutumé mettre le pain de l'aumõne, » des « cassoni » italiens, couverts d'applications en pâte blanche, dorée oudécorée depeintures (ce sont là les coffres blancs « à la mode d'Italie »), de magnifiques chaises de cérémonie, couvertes de velours, d'une extrême richesse de décoration, tout un mobilier d'église très riche, des crépines d'or (coiffures«< pour habiller épousées » destinées au mariage des filles d'honneur de la duchesse), d'autres aumônières, ceintures, gorgerettes, etc., de fil d'or également « pour épousées, » des étuis de toilette, des épingliers de velours cramoisi et de satin, des pantoufles de velours vert couvert d'écarlate, des miroirs ardens dans leurs étuis, des peignes d'ivoire et de bois, des peignoirs de toile de Hollande, des bonnets de nuit en quantité, des chemises de femme de très fine toile, des taies d'oreiller de fine toile de Hollande, des draps ou « lincieulx » de même, des boites pleines de senteur, d'autres boîtes d'Agnus Dei, une selle de haquenée et tout le harnachement noir « pour feue Madame. »
 Je ne parle pas, pour cause, des meubles meublans innombrables, ni du mobilier et des objets garnissant les cuisines, les offices, la paneterie, l'échansonnerie. Cette énumération nous entraînerait beaucoup trop loin. Je note simplement un objet fort étrange à la suite de cette splendide énumération, un objet sur l'histoire duquel je reviendrai et que l'Inventaire désigne comme suit: « uncep àmettre prisonniers en la haute chambre de lagrosse tour. »
 A partir de son deuil, Charlotte d'Albret ne revit probablement plus toutes ces somptuosités enfermées dans des pièces où elle ne pénétrait jamais. Probablement aussi, après la mort de sa sainte et royale amiedeBourges, elle ne fitplus dans cette ville que de rares apparitions. Sa vie, toute de bonnes œuvres, de pratiques de dévotion, de lectures pieuses et de macérations, dut être infiniment monotone en ce lieu retiré. Sa fille était le seul point lumineux de cette douloureuse existence. Les malheureuxytenaient aussiunegrande place. J'ai parlé déjà des visites de sa charité. L'Inventaire nomme, entre autres meubles, le«coffre contenant le pain des pauvres. » Charlotte d'Albret s'occupait aussi avec soin de la direction de sonimportante fortune et de l'administration des grands biens que son mari possédait en France. En 1509, deux ans après la mort de César, onla voit encore acquérir de haute et puissante princesse Marie de Luxembourg « les terres et seigneuries de Châlus en Vermandois, pour le prix et somme de dix-sept mille écus d'or au soleil et cinq mille livres tournois en monnaie. » Nous la voyons encore obliger de ses libéralités ses parens et ses amis. Elle prête de fortes sommes en 1506 à son oncle Jean d'Albret, à sa tante Françoise d'Albret, en 1507 à son cousin Louis de Bourbon, en 1508, 1509 et 1510 à divers marchands de Tours, à un orfèvre de Blois, à Jacques de Beaune-Semblançay, général des finances, au seigneur de Maupas, à Nycolas le Mercier, son propre valet de chambre.
 Le 11 mars 1513 (en réalité le 11 mars 1514, car l'année commençait alors à Pâques, et Pâques tombait le 27 mars), usée par le chagrin, Charlotte de Valentinois s'éteignit à peine âgée de trente-deux ans. Ce jour même, sentant la mort venir, elle avait dicté ses dernières volontés à messire André Richomme, prètre, et à Martin Amison, tous deux « clers, jurez et notaires du scel, » en présence de son médecin « honorable homme et sage maître Sébastien Coppain, licencié en médecine. » Ce testament est aujourd'hui encore conservé à la Bibliothèque Nationale.
 Après avoir donné son âme à Dieu et l'avoir recommandée à la Vierge Marie et àmonsieur Saint Michel l'Ange pour qu'ils soient envers Notre-Seigneur Jésus-Christ ses intercesseurs, la duchesse dicte la forme de son enterrement, le nombre et le prix des messes qui y serontdites. Elle demande à être ensevelie dans son cher couvent de Bourges, « au lieu et monastère de Notre-Dame la Nonciade, que a fondé feue madame la duchesse de Berri, » à l'exception de son cœur et de ses entrailles qui demeureront en l'humble église de la Motte-Feuilly. Elle institue sa fille son héritière unique et universelle et ordonne qu'elle soit conduite à Mme d'Angoulême, Louise de Savoie, la mère du futur roi François Ier, qui prendra possession de tous ses biens et les lui gardera en toute sécurité. Elle désigne l'aumônier et les dames qui constitueront la maison de la pauvre orpheline et fixe d'avance leurs gages.
 C'est à la suite de cette mort que, le 12 mai 1514 et jours suivans, maître Jacques Dorsanne, licencié en droit, conseiller du Roi, lieutenant, au siège et ressort d'Issoudun, de messire Pierre Dupuy, bailli et gouverneur du Roi en Berry, assisté de Geoffroy Jacquet, orfèvre juré de Blois, procéda, à la requête et en présence de « damoiselle Loïse, » fille unique et héritière universelle de la défunte, en présence aussi de ses exécuteurs testamentaires, des gens de sa maison, des représentans de son père Alain d'Albret et de Louise de Savoie, comtesse d'Angoulème, tutrice, à cet Inventaire dont je viens de résumer les somptueuses énumérations, et fit lever les scellés des salles et chambres qui, dès le décès, avaient été soigneusement fermées, scellées et murées, « vu la minorité de la dite damoiselle Loïse Borgia. » L'Inventaire fut clos le 16 mai. Six cent soixante-dixsept numéros avaient été catalogués en cinq jours.
 L'antique château de la Motte-Feuilly, construit par Drouin de Voudenay dans les premières années du xve siècle, existe encore en grande partie dans laplus mélancolique, dans la plus ombreuse et romantique solitude, caché dans un nombreux groupe d'arbres dont le feuillage touffu fait dans la belle saison à cet austère et fier donjon du moyen âge un entourage si sombre, si impénétrable que le visiteursurpris, comme opprimé par une sorte d'angoisse religieuse, semble pénétrer subitement dans lanuit. Je m'ysuis rendu avec des amis par unedes splendides journées de l'été dernier. C'était au déclin du jour. Nous venions de visiter le beau château de Culan, vieille forteresse médiévale orgueilleusement campée sur la rive de l'Arnon. Nous avions pris la route du retour vers La Châtre, et, après avoir dépassé Châteaumeillant, nous nous étions légèrement détournés vers la gauche. Nous avions atteint les humbles chaumières qui forment à elles seules l'agreste bourg de la Motte-Feuilly. Bientôt nous avions pénétré sous les ombrages silencieux qui font en été à lavieille demeure de Charlotte d'Albret une si sombre, une si noire ceinture. L'impression, en quittant la grande route et ce ciel de feu, était extraordinaire. Le soleil se couchait dans un horizon enflammé et brûlant. Autourde nous l'ombre envahissait cette superbe feuillée sous laquelle se dressaient les tours et les murailles du donjon. Hélas! une consigne rigoureuse eninterdisait la visite. Nous ne pûmes qu'admirer la belle enceinte etjeter de la porte un coup d'œil sur la cour d'honneur.
 L'antique demeure doit être restée à peu près telle que lorsque Charlotte d'Albret y vivait seule et résignée, sauf que la démolition d'une portion de l'enceinte crénelée entre le portail et la grosse tour a amené quelque lumière dans la cour. « Elle a bien, comme le dit M. Bonnaffé, l'aspect sévère des constructions militaires de cette époque. La Renaissance, avec ses ajustemens et ses coquetteries, n'a pas encore passépar là. » La grosse tour d'entrée trapue, massive, au toit aigu, présente une porte basse sur les côtés de laquelle on aperçoit encore les rainures du pont-levis. Sous le toit, un chemin de ronde en encorbellement, éclairé par des meurtrières, est munide mâchicoulis.
 Mais la gloire du vieux château est le donjon encore parfaitement conservé, qui, chose infiniment rare à notre époque, a gardé son ancien hourdage en charpente, à planches verticales s'appuyant sur des montans également en bois. Le toit pointu se termine par une lanterne à pans destinée à servir d'échauguette. L'intérieur, au dire de ceux quiy ont pénétré, est intact. L'escalier en vis, dont les gradins semblent faits d'hier, conduit au premier comme au second étage à une vaste chambre faiblement éclairée, munie d'une grande cheminée de pierre. Les deux bancs traditionnels, également de pierre, scellés dans la muraille, permettaient de découvrir lacampagne environnante L'Inventaire nous révèle que le tailleur de la princesse habitait la chambre basse de la tour. Au troisième étage une surprise attend le visiteur. Sur un plancher fait de poutrelles à jours convergeant vers le centre, se dresse un instrument de répression peut-être aujourd'hui unique en France dans cet étatparfait de conservation : c'est un cep ou carcan déjà mentionné, chose curieuse, nous l'avons vu, à l'article 675 de l'Inventaire : « En la haute chambre de ladite tour ont été trouvés un « sects » à mettre prisonniers. »
 On sait que les fourches patibulaires, le cep et le pilori étaient les trois signes visibles du droit de haute justice auquel avait droit la vicomté de la Motte-Feuilly. « Le cep, dit Robert Estienne, dans son Dictionnaire latin-français de 1538, est une sorte de torment de bois dedans lequel on met le col et les pieds des malfaiteurs. » C'est donc bien une espèce de carcan destiné aux prisonniers dangereux.
 Les derniers ceps, bien rares déjà à ce moment, ont disparu à la Révolution. Quelle matière admirable pour les prédica teurs de liberté qui cherchaient à insulter à la féodalité lors du pillage des donjons lointains! Le cep de la Motte-Feuilly est probablement le dernier qui subsiste, du moins le dernier qui soit encore installé aussi complètement que curieusement dans sa situation primitive. On conçoit l'intérêt qu'éprouvent les archéologues pour cet instrument dont la présence en ce lieu fait un si piquant contraste avec tout ce que nous savons de la douceur angélique de Charlotte d'Albret. Il est bon de savoir du reste quece n'était point làuninstrumentdepure torture, comme l'ont cru certains ignorans, mais bienun instrument de répression, de répression certes cruelle et brutale en rapport avec les mœurs del'époque. N'ayantpuvoirle cepdela Motte-Feuilly, j'en emprunte la description à M. Bonnaffé : » C'est un monument de charpente en chêne traité à merveille, composé de deux montans verticaux terminés par des pinacles à pans et portant sur des patins encastrés dans le solivage. Ces montans soutiennent trois larges traverses horizontales, pouvant glisser haut et bas dans les mortaises des montans. L'ensemble présente l'aspect d'une barrière solide et close. Chaque traverse est pourvue d'entailles demi-circulaires qui se correspondent et sont destinées à recevoir les jambės ou les poignets du prisonnier; en rapprochant les traverses, on paralysait ses mouvemens, comme dans un carcan. Le cep suppose donc au moins deux traverses échancrées, se serrant l'une contre l'autre. C'est pourquoi, si on disait « un cep, » comme nous le lisons dans le texte de l'Inventaire, on disait aussi des « ceps. » Le plancher àjours avait sans doute pour objet de faciliter la surveillance des prisonniers par le geôlier posté à l'étage inférieur.
 Au fond de lacour, au pied du donjon, des arcades portées sur d'antiques et lourds piliers supportent une chapelle dont la fenêtre gothique existe encore. Bien souvent Charlotte, de noir vêtue, a dû monterles marchesdu petit escalier qui yconduit pour aller prier et pleurer devant l'autel. Les anciennes douves ont été converties en pelouses. Les ouvrages extérieurs de défense ainsi que deux tours ont disparu. Le parc qui entoure le château abonde en beaux arbres, en charmans points de vue sur les grandes landes des Chaumois, vaste plaine de genèts, d'ajoncs et de bruyères aux acres parfums. Ce paysage est d'une tristesse infinie. Près du château, on montre un if colossal, plusieurs fois centenaire, étayé sur de vraies béquilles, qui passe pour avoir été contemporain de Charlotte. Peut-être s'asseyaitelle souvent à l'ombre de cet arbre pour assister aux jeux de sa fille, pour rêver et prier.
 Loïse Borgia avait quatorze ans quand elle perdit sa mère. Ce fut en sa présence que fut dressé l'Inventaire publié par M. Bonnaffé. A chaque page de ce document précieux on voit la jeune princesse intervenir pour faire mettre de côté tel objet ou tel meuble lui appartenant, surtout dans les pièces qui constituaient son appartement particulier. Le 17 avril 1517, elle épousa Louis de la Trémoïlle, vicomte de Thouars, prince de Talmont, veuf de Gabrielle de Bourbon. Son contrat de mariage est également conservé dans les Archives si riches du duc de la Trémoïlle. Louis fut tué à la bataille de Pavie. Demeurée veuve sans enfans, Loïse se remaria cinq années après, le 3 février 1530, avec Philippe de Bourbon, seigneur de Busset, fils aîné de Pierre de Bourbon, bâtard de Liège, dont elle eut trois fils et une fille. De l'aîné de ses fils sortirent les comtes de Busset et les barons de Châlus.
 La princesse Loïse semble avoir éprouvé pour sa mère, qu'elle n'avait jamais quittée, une tendresse profonde et conservé pour sa mémoire un culte religieux. Nous avons vu que, suivant les dernières volontés de Charlotte, son corps avait été transporté, pour y être enterré, au couvent de l'Annonciade de Bourges, dans l'église, devant le grand autel, mais que son cœur et ses entrailles avaient été conservés dans l'humble petite église de la Motte-Feuilly. C'est dans cette église qu'en 1521 Loïse fit élever un monument à la mémoire de sa mère, monument superbe dont les débris, affreusement mutilés, attirent encore en ce lieu retiré les amans des vieux souvenirs. Loïse avait chargé de ce soin Martin Claustre « tailleur d'images, de Grenoble, demeurant à Blois, paroisse Saint-Nicolas. » « C'était, dit M. Bonnaffé, un habile homme et l'artiste à la mode en ce moment. » En 1519, il avait exécuté sur la commande de Louis II, le premier mari de Loïse, trois tombeaux pour la chapelle de Thouars. C'est encore lui qui entreprit le tombeau du baron de Montmorency, père du connétable. Le marché qu'il passa le 2 avril 1521 au château de Thouars « après Pâques » avec haute et puissante dame Mme Loïse de la Trémoïlle, épouse de haut et puissant seigneur, monseigneur Loys seigneur de la Trémoïlle, marché également conservé chartrier de Thouars,donne des détails très précis sur le moau nument destiné à contenir le cœur de la duchesse de Valentinois, sur la statue d'albâtre de Notre-Dame de Lorette, soutenant un modèle de la chapelle, qui devait être érigée à côté du tombeau, enfin sur la tombe en marbre blanc du Dauphiné avec l'effigie émaillée de la duchesse pour sa sépulture de Bourges. Le tombeau de la Motte-Feuilly devait avoir trois pieds de haut. Le soubassement serait de marbre noir, et les piliers à l'entour aussi de marbre noir, taillés à l'antique à candélabres. « A l'environ duquel tombeau sera mis les sept vertus, qui seront d'albâtre, dont il y en aura en chacun côté trois, et au bout du haut une, là où sera écrit une épitaphe telle que lui sera baillée. Sur chacune des dites vertus sera une coquille bien taillée à l'antique, et chacune des dites vertus aura son nom par écrit. Et par-dessus sera une tombe de marbre noir toute d'une pièce sur laquelle sera le personnage de la dite duchesse de Valentinois en façon de dame gisante, lequel personnage sera d'albâtre, et aux pieds deux petits chiens. Lequel tombeau et sépulture sera mis en la chapelle du château de la Motte de Feuilly, étant en l'église parrochiale du dit lieu. Lesquelles choses le dit Claustre a promis faire bien et dùment, de bon marbre et albâtre bien nets, sans veines ni taches et l'ouvrage taillé bien net. Le prix total pour les trois objets sera de cinq cents livres tournois payables en trois fois. »
 La belle tombe de Bourges avec l'effigie de la duchesse émaillée de ciment noir, a disparu comme des milliers et des milliers d'autres dans la tourmente révolutionnaire. Mais le tombeau si précieux de la Motte-Feuilly et la statue attenante de la Vierge de Lorette existent encore, mais, hélas ! dans quel piteux état, brisés, mutilés eux aussi par les imbéciles destructeurs de 1793. Une pieuse restitution a récemment relevé ces tristes débris, sans pouvoir atténuer les mutilations qui les déparent. L'église du village, placée sous le vocable de Saint-Hilaire, est à quelque cent pas du château. Je m'y suis rendupar l'humble chemin couvert de grands ombrages que dut suivre si souvent la douloureuse silhouette de la triste Charlotte d'Albret. Le misérable petit édifice rayonnait aux feux du soleil couchant à travers les rameaux verts. J'ai vu peu de lieux d'une plus complète mélancolie. Le tombeau de Charlotte, placé dans une chapelle latérale, avait survécu intact jusqu'à la Révolution. Trois fanatiques, deux habitans de La Châtre et un du bourg tout voisin de Sainte-Sévère, dont on a conservé les noms, sont venus détruire ce beau monument de l'art français. Bien qu'on ait relevé le tombeau, son aspect demeure lamentable. Du beau soubassement à piliers « à l'antique » avec compartimens pour chacune des sept Vertus, il ne reste plus que des fragmens de pilastres chargés d'arabesques et les débris des charmantes figures de la Tempérance, de la Charité et de la Force dans leurs niches surmontées de leurs coquilles. Les quatre autres sont presque méconnaissables à force d'avoir été saccagées. La statue de Notre-Dame de Lorette est également fort mutilée. On aperçoit encore une main charmante qui supporte la chapelle votive. Quant à la statue gisante de Charlotte portant la couronne ducale sur ses cheveux tressés, richement vêtue, tenant le chapelet de ses mains jointes, elle était entièrement défigurée et brisée en trois morceaux lorsqu'on l'a replacée tant bien que mal sur la tombe de marbre noir. Le visage est broyé à coups de marteau. L'inscription très abimée est ainsi conçue : « Cy git le cœur de très haute et très puissante dame, Madame Charlotte d'Albret, en son vivant veuve de très haut et très puissant prince don César de Borgia, duc de Valentinois, comte de Diois, seigneur d'Issoudun et de la Motte de Feuilly, laquelle trépassa au dit lieu de la Motte de Feuilly, le onzième du mois de mars de l'an de grâce mil cinq cent quatorze. »
 M. de Maulde, dans sa Vie de Jeanne de Valois, dit qu'on montrait encore dans l'église un banc où la tradition raconte que Charlotte venait habituellement s'asseoir.
 Sous la Restauration on avait déjà tenté une réfection du monument. La Duchesse de Berryet le Duc d'Angoulême s'étaient inscrits chacun pour une somme de douze cents francs. La restitution actuelle est due, à ce qui m'a été dit, au comte Ferdinand de Maussabré dont la famille a possédé le château de la Motte-Feuilly du mois de septembre 1783 au mois de septembre 1886. Le château fut vendu à cette époque à un habitant de La Châtre. Les tombeaux de Jean de Bourbon,fils de Loïse Borgia, et de son épouse Euchariste, fille de Jacques de la Brosse-Marlet, vice-roi d'Écosse (sic), sont également conservés dans la petite chapelle de l'église de la Motte-Feuilly.

Chronique de Benoit Mailliard: grand-prieur de l'Abbaye de Savigny en Lyonnais 1460-1506

著者
Georges Guigue
出版
1883年
引用サイト
Google Books

LXII.

 L'an susdit 1498, environ la fin du mois de Février, le froid se fit vivement fentir pendant dix jours, &, le 25 dudit mois, la neige tomba en abondance & continua presque pendant tout le mois de Mars fuivant; le froid fut rigoureux pendant ce mois.

LXIII.

 Au mois de Décembre, l'an susdit 1498, entra à Lyon, monfeigneur le duc de Valentinois en Dauphiné, neveu du pape Alexandre (1),

  (1) Il s'agit ici de Céfar Borgia, fils & non pas neveu du pape Alexandre VI & de Rofa Vanozza. D'abord archevêque de Valence & cardinal, il fut chargé par son père de porter à Louis XII la dispense pontificale annulant son mariage avec Jeanne de France, pour qu'il puisse époufer Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII. Le roi lui fit don à cette occafion, au mois d'Août 1498, des comtés de Valentinois & de Diois, qui furent érigés en duchés au mois d'Octobre suivant.

avec une grande pompe dans les habits , & les chevaux (1).

  (1) Parordre du roi, « qui l'avoit mande & commandé », une réception magnifique fut faite au comte de Valentinois par le Confulat lyonnais ; des mystères & des farces furentjoués « en l'Herberie & au Change »; le peintre François de Rochefort fut chargé des décorations & Claude Chevallet « de la facture de la rhétorique & bergerie morale..... des myftères de ladite entrée ». Des Morisques dansèrent avec des fonnettes. Le 7 Novembre un banquet lui fut offert. Les mémoires des fournitures faites à cette occafion par Georges Pepin, patiffier, & Laurent « Cataigne » (Gadagne), « marchant appothicaire, » peuvent donner une idée du menu de ce feftin & des mœurs du temps: 28 chappons, 24 lapins, 14 douzaines de perdrix blanches & rouges, 16 canards, 36 tourterelles, 3 douzaines de bécasses, 6 levraux, des grives & des allouettes, 12 paons, 10 faifans, une rouelle de veau, une pièce de bœuf, 1 quintal & demi de lard, oranges, vanille, deux « goneaulx », 18 pâtés de coings, 18 tartes d'Angleterre, 18 « dariolles d'Angleterre, » 18 « bridefaveau » , 18 plats de ryffolles, 18 pâtés de venaifon de biche, 18 pâtés de fanglier, 18 plats « de foub », 18 plats de gelée, langues de mouton, 18 « plats de mestier», 18 pâtés de chapons, 18 pâtés d'allouettes, 18 « darriolles de cresme, amandes, œufs, eau rofe, gresse blanche », etc..; 2 livres 6 gros de canelle , 1 livre 3 gros d'orangeat , 1 livre 3 gros d'anis , 1 livre 1 gros de « pignons » , 1 livre 1 gros de coliandres , 1 livre 3 gros de « mandrians », 3 gros de dragées mufquées, 32 cimaifes d'hypocras, menues efpices, gingembre, mufcades , giroflée , fucre de Portugal, malvoisie , muscat, raisins de Corinthe, prunes, dates, grenades, &c., &c.

Ordonnances des roys de France de la troisième race: Ordonnances rendues depuis le mois de mai 1497 jusqu'au mois de novembre 1514.

著者
出版
1849年
引用サイト
Google Books

LETTRES PATENTES PORTANT DON DE LA CHÂTELLENIE D'ISSOUDUN À CÉSAR DE BORGIA¹.

  1 Archives du royaume, section judiciaire, vol. J des Ordonnances de Louis XII, fol. 29; Trésor des chartes, reg. 233, nº 16; Mémoriaux de la Chambre des comptes, collection de la cour, t. V, fol. 367 v°; Bibl. roy. fonds Saint-Victor, nº 1076 , t. V, fol. 355. A la suite de ces lettres, on trouve la mention de l'opposition faite par le procureur général, les 30 et 31 août.

LOUIS XII, à Étampes, août 1498.
 Loys, par la grace de Dieu, roy de France, sçavoir faisons à tous presens et advenir que, pour la singuliere amour et affection que avons et portons à nostre chier et amé cousin, le sieur Domp Cesar de Borja, en faveur de nostre Saint-Pere, duquel il est prochain parent, et pour consideration et recongnoissance des bons services que ledit sieur Domp Cesar nous a cy-devant faictz et esperons qu'il fera cy-après , desirans l'actraire par deçà en nostre service, et luy donner lieu et place où il se puisse loger et retirer, ainsi que luy appartient, et pour aultres causes et considerations à ce nous mouvans, et mesmement en faveur de certain mariage que nous entendons faire de sa personne en cestuy nostre royaulme, et aultres appoinctementz dont ne voulons cy aultre declaration estre faicte; à iceluy sieur Domp Cesar, de nostre certaine science, grace especial, plaine puissance et auctorité royal, avons donné, ceddé, quicté, transporté et delaissé, et par la teneur de ces presentes donnons, ceddons, quictons, transportons et delaissons , pour luy, ses hoirs et successeurs, perpetuellement et à tousjours, nostre chastellenie et seigneurie d'Issouldun, appartenances et dependances d'ycelle , assize en nostre duchié de Berry, ainsi qu'elle se comporte et poursuict, tant en justice, jurisdiction, rentes , revenus , prouffitz et emollumenz , que aultres droictz de seigneurie quelzconques, ensemble le revenu, proffict et emollument de nostre droict de gabelle du grenier à sel par nous estably audit lieu d'Issouldun, pour desdits chastellenie et seigneurie, revenu et esmollument du droict de gabelle dudit grenier, joyr et user par ledit sieur Domp Cesar de Borja et sesdits hoirs et successeurs, à quelque somme, valleur et estimation qu'ilz soyent et puissent estre et monter, sanz aucune chose reserver ne retenir de ladite somme, fors seulement les foy et hommage, ressort et souveraineté, et en faisant, payant et acquitant ses fiefs et aumosnes, gages d'officiers et aultres charges ordinaires estans sur icelle seigneurie et grenier. Sy donnons en mandement, etc.
 Donné à Estampes, au moys d'aoust, l'an de grace mil quatre cens quatre vingtz et dix-huict, et de nostre regne le premier.

LETTRES PORTANT DONATION DES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS A CÉSAR DE BORGIA2.

  2 Trésor des chartes, reg. 233, nº 18. Le P. Anselme a publié ces lettres dans son Histoire généalogiqué de la maison de France, t. V, p. 517, et à la suite les enregistrements , d'après le registre de la Chambre des comptes du Dauphiné, coté III, Liber alienationum , fol. 256.

LOUIS XII, à Étampes, août 1498.
 Louis, par la grace de Dieu, roi de France, dauphin de Viennois, comte de Valentinois et de Diois, sçavoir faisons à tous presens et à venir, que, par la singuliere amour et affection que avons et pourtons à nostre très-chier et amé cousin le seigneur Domp Cesar de Borja, en faveur de nostre Saint-Pere, duquel il est prouchain parent, et pour consideration, reconnoissance des bons services que ledit seigneur Domp Cesar nous a icy-devant faits et esperons qu'il fera ci-après, desirans l'attraire pardeçà à nostre service, et lui donner lieu et place où il se puisse loger et retirer, ainsi que bien lui appartient, et pour autres causes et considerations à ce nous mouvans, et mesmement en faveur de certain mariage que nous entendons faire de sa personne en cestuy nostre royaume, et autres appointemens dont nous ne voulons ici autre declaration estre faite, à iceluy seigneur Domp Cesar, de nostre certaine science, grace speciale, pleine puissance et autorité royal et dalphinal, avons donné, cedé, quitté, transporté et delaissé, par la teneur de ces presentes donnons, cedons, quittons, transportons et delaissons, pour lui, ses hoirs et successeurs, perpetuellement età toujours, nos comtez etseigneuries deValentinnois et Diois, leurs appartenances et appendances, ainsi qu'elles se comportent et poursuivent, tant en justice, jurisdiction, autorité, prerogative, preeminences, censes, rentes et revenus, proufits et emolumens, que autres droits de comté et seigneurie quelconques, àquelle valeur et estimation qu'ils soyent et puissent estre et monter, pour d'icelles comtez et seigneuries jouir et user par ledit seigneur Domp Cesar, sesdits hoirs et successeurs, et en prendre, parcevoir et recevoir les fruits, proufits et emolumens quelconques, sans aucune chose en reserver ou retenir pour nous ou les nostres, fors seulement des foys et hommages liges, ressort et souveraineté, et en payant et acquittant les fiefs et aumosnes, gages d'officiers et autres charges ordinaires et anciennes estantsur lesdits comtez et seigneuries, où et ainsi qu'il appartiendra.  Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nos amez et feaux le gouverneurou son lieutenant, gens de nostre parlement et de nos comptes dudit pays, general et tresorier general de nos finances d'icelui pays, et à tous autres officiers ou à leurs lieutenans presens et à venir, et à chacun d'eux comme à lui appartiendra, que, en faisant ledit seigneur Domp Cesar de Borja jouir et user de nos presens dons, cessions, quittances, transports et delay, ils lui baillent et delivrent, ou fassent bailler et delivrer royaulment et de fait la possession et saisine desdits comtez et seigneuries de Valentinois et Diois, et d'icelles le fassent, seuffrent et laissent, ensemble sesdits hoirs et successeurs , jouir et user pleinement et paisiblement, tout ainsi et par la forme et maniere que dessus est dit, et s'aucun empeschement lui estoit fait, mis ou donné au contraire, le fassent mettre à pleine delivrance, et par le rapportant ces presentes signées de nostre main, ou vidimus d'icelles fait sous scel royal ou dalphinal, avec reconnoissance sur ce, nous voulons nostre tresorier et receveur general de nos finances audit pays, ou autres particuliers à qui ce pourra toucher, estre tenus quittes et dechargez par nosdits gens des comptes, auxquels nous mandons ainsi le faire sans difficulté : car tel est nostre plaisir, nonobstant quelconques lettres, restrinctions, mandemens ou defenses à ce contraires; et afin que ce soit chose ferme et estable à toujours, nous avons fait mettre nostre scel à ces presentes, sauf en autres choses nostre droit, et l'autruy en toutes.
 Donné à Estampes, au mois d'aoust, l'an de grace 1498, et de nostre regne le premier. LOUIS.
 Par le Roi Dauphin, M. le cardinal de Reims, l'archevesque de Rouen et autres presens. ROBERTET.

LETTRES PATENTES PORTANT RÈGLEMENT POUR LE DOUAIRE D'ANNE, DUCHESSE DE BRETAGNE, VEUVE DE CHARLES VIII, ROI DE FRANCE 5.

  5 Mémorial de la Chambre des comptes, collection de la cour, t. V, fol. 386 v°; collection des Archives du royaume, t. V, fol. 391, et t. VIII, fol. 181 ; Biblioth. royale, fonds Saint-Victor, nº 1076, t. V, fol. 381. Voir la note sur l'enregistrement de ces lettres, p. 119 ci-après.

LOUIS XII, à Paris, 20 septembre 1498.
 Louis, par la grace de Dieu, roy de France, à tous ceux qui ces presentes lettres verront, salut. Comme, par le traicté de mariage faict, conclu et accordé entre feu de bonne et notable memoire nostre très-cher seigneur et cousin le roy Charles dernier decedé (que Dieu absolve) et la royne douairiere Anne, vefve de nostredit feu seigneur et cousin, iceluy nostre seigneur et cousin eust voulu, consenty, accordé et constitué en faveur dudict mariage à nostredicte cousine tout tel douaire qu'il avoit voulu, consenty, accordé et constitué pour dot à feue de noble memoire la royne Charlotte samere (à qui Dieu pardoint), ainsi qu'il peut apparoir par iceluy traicté, en ensuivant lequel nostredite cousine nous a requis luy faire bailler et delivrer l'assignat dudit douaire, et sur ce luy impartir nos lettres convenables. Sçavoir faisons que nous, ce consideré, qui voulons entretenir nostredite cousine ès droicts et prerogatives qui lui appartiennent, et favorablement la traicter en ses affaires , à icelle nostre cousine, par l'advis et deliberation des princes et seigneurs de nostre sang et lignage et gens de nostre conseil, en inclinant et obtemperant à sadicte requeste, avons baillé, cedé, transporté et delaissé, et par la teneur de ces presentes baillons, cedons, transportons et delaissons, à titre de douaire, les terres et seigneuries et autres choses ci-après declarées. C'est à sçavoir :  Les ville, chastel, chastellenie , terre, seigneurie et comté de la Rochelle et ses appartenances, tant en domaine que aussy tout le proffit et emolument du grenier à sel dudict lieu, à quelque valeur que le tout puisse monter.
 Ville et gouvernement de la Rochelle; et le grand fief d'Aulnis; et les villes , chasteaux et chastellenies de Xaintes , Saint-Jean d'Angely et de Rochefort; compris tout le domaine desdits lieux, ensemble la traicte des bleds et vins desdits païs de Xainctonge, et ville et gouvernement de la Rochelle, à quelque valeur et estimation que le tout puisse monter.
 Le comté de Pezenas;
 Les seigneuries de Montignac, de Essenon et de Cabrieres;
 Le petit seel de Montpellier, avec les metairies, jugeries et autres emolumens d'iceluy ;
 Le denier Saint-André, et le revenu de Villeneufve-lez-Avignon;
 La resve de la senechaussée de Beaucaire, et l'imposition foraine de Languedoc;
 Le proffit et emolument des greniers à sel etablis à Pezenas, Montpellier, Frontignan et Narbonne, jusques à la valeur de dix mille quatre cens livres tournois ; et s'il est trouvé que lesdits greniers soyent de plus grande valeur, après ce que nostredicte cousine aura pris ladicte somme de dix mille quatre cens livres tournois, la plus value sera receue ànostre proffict par nostre tresorier et receveur general de Languedoc.
 La double de six deniers tournois qui se leve sur chaque livre de sel vendu en tous les greniers à sel de Languedoc, et que le quart du sel de Poictou et de Xainctonge, à quelque valeur qu'il soit et puisse estre.
 En outre, pour recompense de la valeur des chasteau, chastellenie, ville, prevosté et revenu de Saincte-Menehould et du grenier à sel dudit lieu, qui est l'ancien douaire des reynes de France, dont nos predecesseurs ont ailleurs disposé, nous avons à nostredicte cousine baillé et delaissé, baillons et delaissons les ville, chastel , terre et seigneurie et revenu de Lodun, avec le proffit du grenier à sel dudict lieu.
 Et pareillement, pour et au lieu du chastel, terres et appartenances de Moret, qui est de l'assignat ancien dudict douaire, et dont pareillement a esté autrement disposé par nosdicts predecesseurs, nous avons baillé et delaissé, baillons et delaissons à nostredicte cousine le revenu du domaine et peage de Roquemaure, avec le proffit du grenier dudit lieu, à quelque valeur que le tout puisse monter.
 Lesquelles choses furent baillées et delaissées par nostredict feu seigneur et cousin le roy Charles à nostredicte cousine la royne Charlotte sa mere.
 Pour par nostredicte cousine les avoir, jouir et posseder, sa vie durant, par maniere de douaire, à quelque valeur que le tout puisse estre et monter, et en prendre et percevoir, cueillir et recevoirles fruicts , levées et revenues par son tresorier ou autres ses officiers, ayans à ce pouvoir d'elle, et sans ce qu'elle soit tenue en avoir, prendre ne lever descharge du changeur du tresor et autres receveurs generaux de nos finances, lettres d'estat ne autre acquit , fors cesdictes presentes que nous avons pour ce signées de nostre main, et sans y reserver ni retenir aucune chose, fors les foy ethommage qui nous sont deubs à cause desdictes terres et seigneuries, avec la souveraineté et ressort et la plus value desdits quatre greniers à sel de Languedoc, ainsy qu'il est cy-dessus declaré, et en jouir parelle àtous tels et semblables droicts, authoritez, prerogatives et preeminences quelconques, ainsy qu'elles furent baillées à nostre feue dame et cousine la reyne Charlotte, et tout ainsy et par la forme et maniere que faisoit et pouvoit faire icelle nostre cousine par le bail à elle faict par nostredict feu seigneur, jaçoit ce que plus ample declaration n'en soit faicte.Et s'il y avoit aucunes desdictes places ainsy par nous baillées à nostredicte cousine, où il convinst mettre et tenir gens de guerre pour la garde, nous lesy mettrions et entretiendrions à nos despens, sans ce qu'elle soit tenue en payer aucune chose, mais sera seulement tenue de payer les gages ordinaires de capitaines et autres officiers prenans gages pour l'exercice de leursdictes charges en la maniere accoustumée, et generalement sera tenue de payer œuvres, reparations, fiefs et aumosnes, et autres charges ordinaires , anciennes , necessaires et deues pour raison desdictes choses par nous à elle baillées; et au regard du quart du sel, de ladicte traicte des bleds , vins et autres choses devant declarées, qui ont accoustumé d'estre baillez à ferme aux plus offrans et derniers encherisseurs, à mainferme ou autrement, les pourra bailler à ferme, ou les faire cueillir sous sa main, ainsi et au mieux et plus proffitablement que faire se pourra pour elle, et que son bon plaisir sera.
 Si donnons en mandement par ces presentes à nos amez et feaux les gens de nos comptes et tresoriers à Paris, et generaux conseillers par nous ordonnez sur le faict et gouvernement de nos finances, et à tous nos autres justiciers et officiers, ou à leurs lieutenans, si comme à eux appartiendra, que nostredicte cousine et sesdicts officiers et serviteurs pour elle ils souffrent et laissent jouir pleinement et paisiblement des choses dessusdictes et de chacune d'icelles, ensemble desdits droicts, authoritez, prerogatives et preeminences, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre faict, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement; au contraire, lequel se faict, mis ou donné luy estoit ou avoit esté, le mettent incontinent et sans delai à pleine delivrance et au premier estat et deub, sans difficulté, nonobstant quelconques dons, cessions et transports qui pourroient avoir esté faicts des choses dessusdictes , ou d'aucunes d'icelles, à quelconques personnes et pour quelque cause que ce soit ou puisse estre, lesquels dons, et tous autres qui s'en seroient ensuivis, nous avons, de certaine science, grace speciale, pleine puissance et authorité royale, cassez, revoquez et adnullez, cassons, revoquons, adnullons et mettons du tout au neant par cesdictes presentes, nonobstant aussy que la valeur desdites choses ainsy par nous baillées, cedées et transportées à nostredite cousine, ne soit cy autrement specifiée et declarée, que descharges n'en soyent levées, et quelconques autres mandemens, restrinctions ou defenses à ce contraires.
 En tesmoin de ce nous avons faict mettre nostre scel à cesdictes presentes.
 Donné à Paris, le vingtiesme jour de septembre, l'an de grace mil quatre cens quatre-vingts dix-huict , et de nostre regne le premier.
 Ainsi signé : LOUIS. Par le Roi , l'archevesque de Rouen etautres presens. ROBERTET 1.

  1 Je crois devoir indiquer en note ce qui eut lieu à la Chambre des comptes au sujet de l'en registrement de ces lettres. Je l'extrais des Mé moriaux de cette chambre, collection actuelle de la cour, t. V, fol. 391 .
 « Malgré les pressantes recommandations faites par le seigneur de Montmorency, au nom du Roi, pour l'enterinement et l'expédition immédiate desdites lettres, sans aucunes modifications ni difficultés, Messieurs des comptes, après avoir, séance tenante, vérifié les titres des anciens douaires des reines de France, refusèrent de procéder à l'expédition avant d’avoir prévenu le Roi du dommage qu'il éprouverait par des concessions aussi considérables.
 Leurs observations traitoient touchant les places limitrophes, comme la Rochelle, Xaintes , Saint-Jean d'Angely, Rochefort et autres, et principalement la Rochelle.  Item du pouvoir de disposer dès à present d'aulcuns offices, et nommer aux autresquand vacation y escherra ;
 Item de conserver les patronages et benefices , etc.;
 Item de l'excessiveté dudit douaire, et sans limitation de somme;
 Item queles autresdouairesont esté addressans au Parlement, et cettui non;
 Item que celui de la royne Charlotte n'estoit addressant en Parlement, aussy n'estoit expedié par la Chambre.
 Le Roy repondit parles lettres suivantes :
 Nos amez et feaux : Nous avons veu les lettres que nous avez escrittes par nostre amé et feal conseiller et maistre de nos comptes, Mº Eustache de Sansac, et ouy ce qu'il nous a dict et remonstré touchant l'expedition des lettres par nous octroyées à nostre très-chere et très-amée cousine la Royne pourle faictde sondict douaire , dont nous vous savons trèsbon gré; et neantmoins voulons et vous mandons , pour aucunes causes, que incontinent vous procediez à l'expedition et verification d'icelles , selon leur forme et teneur, sans vous arrester ne avoir egard à ce qu'elles ne sont addressans en nostre Cour de parlement, et n'y faictes point de faute. Car tel est, etc.
 Donné à Melun, le vingt-neuvième jour de septembre. Signé LOUIS ; et plus bas , ROBERTET. »

LETTRES QUI ÉRIGENT LES SEIGNEURIES DE VALENTINOIS ET DIOIS EN DUCHÉ EN FAVEUR DE CÉSAR BORGIA 4.

  4 Le P. Anselme a publié ces lettres dans son Histoire généalogique de la maison de France, t.V, p. 519, d'après le reg. 111 de la Chambre des comptes du Dauphiné, fol. 248.

LOUIS XII, à Vieuxvy, octobre 1498.
 Louis, par la grace de Dieu, roi de France, dauphin de Viennois : A tous presens et à venir, salut. Comme puis n'agueres par nos autres lettres patentes* et pour certaines grandes et raisonnables causes que àce nous ont mus, mesmement par la singuliere amour et affection que avons et portons à nostre cher et amé cousin le sieur Domp Cesar de Bourja, en faveur de nostre saint-pere le pape, duquel il est prouchainparent, et afin que par deçà où il a deliberé venir et soi tenir en nostre service, il y eust lieux, place et seigneuries pour soi tenir et retirer; nous lui avons fait don, cession, transport et delai de nos comtez de Valentinois et de Diois, pour enjouir par lui, ses hoirs et successeurs, perpetuellement en tous droits de seigneurie quelconque, ainsi qu'il peut apparoir par nosdites lettres, lesquelles ont esté bien et duement verifiées ; toutes voyes pour ar ce que singulierement nous desirons favorablement traiter nostredit cousin, et principalement l'elever de titres, honneurs, autoritez, prerogatives et preeminence honorables afferens à sa personne, ayons à cette cause par l'avis et deliberation desprinces et seigneurs de nostre sang et lignage etgens de nostre conseil, ordonné et deliberé eriger en duché lesdites deux comtez de Valentinois et Diois, lesquelles sont bien anciennes, de bon revenu, et dont despendent plusieurs nobles fiefs, vassaux et sujets, pourquoi soit besoin decerner nos lettres convenables de ladite erection.

  5 Ce sont les lettres du mois d'août qu'on trouve ci-dessus, p. 114 et suiv.

 Sçavoir faisons, que nous ce consideré, et les causes, fins et raisons qui nousontpremierement mus à lui fairele don et transport desdits comtez, aussi celles qui presentement nous meuvent à faire ladite erection, qui sont trèsjustes et raisonnables, et faisant au bien, proufit et utilité de nous et de la chosepubliquede nostre royaume, pays, terres et seigneuries. Voulonspar ce icelle erection, en ensuivant lesdits avis et deliberation, sortir effet pour lesdites causes et considerations,de nostre certaine science, propre mouvement, grace speciale, pleine puissance et autorité royale et dalphinale, lesdits deux comtez de Valentinois et Diois, leurs appartenances et appendances ainsi par nous données, transportées et delaissées à nostredit cousin le sieur domp Cesar de Borja, avons de nouvel erigé et erigeons en duché ladite duché de Valentinois, qui sera tenue et mouvant de nous et nos successeurs dauphins de Viennois, à cause de nostredit pays du Dauphiné, à une seule foi et hommage, que icelui nostre cousin et sesdits successeurs en seront tenus faire à nous et nossuccesseurs dauphins, ressortissans entousdroitsde souveraineté enversnous et nostre parlementduditpays, ainsique estoientauparavant icelles deux comtez. Voulans et octroyans de nostredite grace, pleine puissance et autorité, que dorenavant nostredit cousin et sesdits successeurs ducs, dudit duché de Valentinois, en tous actes soyent dits, tenus, censez et reputez pour ducs, et jouissent et usent entierement, pleinement et paisiblement de tous droits, honneurs, autorités, prerogatives et preeminences que àduché appartiennent et peuvent appartenir, jaçoit ce que l'on voulsit dire icelles deux comtez n'avoir les pieces et membres requises à erection de duché.
 Si donnons enmandementparcesmesmes presentes à nos amez et feaux les gouverneurs ou sonlieutenant,gens de nostre parlement et de nos comptes en nosdits pays duDauphiné, àtouslessenechaux,capitaines, chastelains et autres nos justiciers et officiers ou leurs lieutenans, nobles, vassaux et sujets desdits comtez de Valentinois et Diois, et àchacun d'eux, si comme à lui appartiendra, que de nos presens grace, erection et contenu en cesdites presentes ils fassent , seuffrent et laissent nostredit cousin et sesdits successeursjouir et user perpetuellement , pleinement et paisiblement, en les faisant lire, publier et enregistrer par les lieux, et ainsi qu'il appartiendra, cessant ou faisant cesser tous empeschemens que l'on leur pourroit faire, mettre ou donner au contraire, car ainsi nous plaist-il estre fait, nonobstantquelconques ordonnances, restrinctions, mandemensoudefenses à ce contraires; etafinque ce soit chose ferme et estable à toujours, nous avons fait mettre nostre scel à cesdites presentes, sauf en autre chose nostre droit, et l'autrui en toutes.
 Donné à Vieuxvy, au mois d'octobre, l'an de grace 1498, et de nostre regne le premier.
 Par le Roi dauphin, monsieur le cardinal d'Amboise, archevesque de Rouen, le seigneur de Ravastain et autrespresens. Visa ROBERTET.

LETTRES QUI ÉRIGENT LE COMTÉ DE VALENTINOIS EN DUCHÉ , AU PROFIT DE CÉSAR BORGIA 2.

  2 Archives du royaume, Trésor des chartes, reg. 233, nº 19.

LOUIS XII, aux Montilz-sous-Blois, avril 1499.
 Loys, par la grace de Dieu, roy de France, dauphin de Viennois. Sçavoir faisons à tous presens et à venir, que, pour la grande et singuliere amour et affection que despieçà avons à nostre très-cher et amé cousin le sieur Domp Cezar de Borja, et connoissans par nous les grands et proufitables services que auparavant nostre avenement à la couronne et depuis il nous a toujours faits, et que tant pour la faveur que luy porte nostre sainct-pere le Pape, duquel il est prouchain parent, que aussy pour les louables vertus qui sont en sa personne, nous pouvoit et peut aider et servir en plusieurs et diverses manieres au grand bien, proufit et utilité de nous, de nos royaume, païs et seigneureries, et confusion de nos ennemis, à cette cause pour iceluy attraire pardeçà en nostre royaume, près de nostre personne, et le allier par mariage enmaisondenostre sang et lignage, et lui donner en nostre royaume ou en nos païs du Dauphiné lieux et places convenables, honorables et proufitables, ainsy que à luy bien appartient, où il se puisse loger et retirer, eussions à cette fin envoyé certains nos deputez tantost après nostre avenement à la couronne, par devers nostre saint-pere et ledit sieur don Cezar, à quoy,pour nous complaire, eussent liberalement entendu, et tellement que, du consentement de nostre dict seigneur pere, ledit seigneur domp Cezar s'est incontinent disposé venir par devers nous comme il a fait, en delaissant le service de nostredit saint-pere, où pour lors il estoit grandement et honorablement appoincté. Parquoy, tant pour occasion de ce que dit est, que aussy pour les grands frais, mises et depenses que pour celuy convenoit faire, et desquels deslors nous entendions comme de raison l'en recompenser et entierement satisfaire, eussions, avant sa venue par devers nous et dès le mois d'aoust dernier passé¹,

  1 Cette donation està la page 114 ci-dessus.

en ensuivant les promesses qui de par nous et par nostre commandement ont estéfaites à nostre dit saint-pere et audit seigneur dom Cezar par noz deputez, donné, ceddé, quitté, transporté et delaissé à iceluy sieur dom Cezar, nostredit cousin, les comtez et seigneureries de Valentinois et de Diois, que depuis avons erigées en duché, pour par luy, ses hoirs et successeurs perpetuellement et à toujours en jouir en tous droits, profits et honneurs quelconques, sans aucune chose ou reserver, ou retenir pour nous ou les nostres, fors seulement les foy et hommage lige, ressort et souveraineté, et de ce octroyé nos lettres patentes en forme de chartes cy-attachées sous le contrescel de nostre chancellerie, lesquelles ont depuis esté leues, publiées, enregistrées et interinées en nostre cour de par lement et chambre des comptes du Dauphiné; et au moyen de ce esté baillé par certains commissaires par nous à ce commis, ou par leurs deleguez, audit seigneur dom Cezar, nostredit cousin, ou à ses procureurs et deputez pour et au nom de luy, la possession et saisine d'iceux duché de Valentinois et comté de Diois, ensemble des places, chateaux et seigneureries y appartenant, laquelle possession ainsy baillée que dit est, et apprehension que en a fait ledit seigneur dom Cezar, nostredit cousin, ou ses procureurs ou commis pour luy, nous avons eu et avons agreable; toutefois pour ce qu'en nosdites lettres de cession et transport fait à nostre dit cousin dom Cezar d'iceux duché de Valentinois et comté de Diois n'est faite mention desdits frais, mises et depenses que fais ont esté par luy, pour estre venu en nostredit service, desquels aussy à la verité onn'eust pufaire juste estimation en tant que alors desdites cession et transport ils nous estoient incognus, nous qui voulons et entendons lui tenir promesse, sauf rien y obmettre ny delaisser, tant pour la bonne loyauté, que par effect il a demonstrée avoir envers nous, et qui sommes deuement advertis comme nostredit saint-pere et luy se sont vertueusement employez à obvier à plusieurs grandes et mauvaises entreprises que aucuns nos ennemis tendoient faire allencontre de nous, nos païs et seigneureries, pour iceux invader, et avec ce, comme ils sesont entierement employez à pratiquer, moyenner et traiter pour nous l'amitié, ligue et confoederation de plusieurs estats et seigneurs d'Italie, à ce que puissions plus facilement resister ausdites entreprises de nosdits ennemis et parvenir à la conqueste de nostre duché de Milan et autres terres et seigneureries que avons esdits païs d'Italie, et après ce aussy que ledit sieur domp Cezar nous a deuement fait apparoir lesdits frais, mises et depenses qu'il a faite tant en sondit voyage d'estre venu par devers nous, comme depuis jusqu'à present, montant à la somme de cent quinze mille livres tournois; et d'abondant que pour nous ayder et subvenir tant au fait de la guerre que avons eue et avons encore de present, depuis sa derniere revenue fourny, et presté comptant manuellement à nostrerequeste la somme de cinquante mille escus d'or couronne, desirans de tout ce le recompenser, en nous acquittant envers luy; pour ces causes, et en faveur aussydu mariage que entendons traiter entre luy et nostre chere et amée cousine Charlotte d'Alebret, fille naturelle et legitime de nostre cher et amé cousin le comte seigneur d'Albret et de sa feue femme, ayant egard et consideration aux promesses que avons faites à nostredit saint-pere et audit seigneur domp Cezar Borja, c'est à sçavoir luy assigner en nostre royaume ou en nosdits païs de Dauphiné jusqu'à la somme de vingt mille livres tournois de rente; et à ce aussi qu'à l'avenir il et ses hoirs et successeurs puissent jouir plainement, paisiblement et à tousjours, sans inquietation aucune, dudit duché de Valentinois et comté de Diois, appartenances et dependances d'iceux, avons, par l'avis, conseil et deliberation des princes et seigneurs de nostre sang et lignage et gens de nostre conseil ausquels avons le tout communiqué, voulu, sur tout ce que dit est, faire bonne et ampledeclaration de nos vouloir et intention qui sont tels, c'est à sçavoir que nostredit cousin le seigneur domp Cezar, sesdits hoirs et successeurs jouissent entierement, plainement et paisiblement desdits duché de Valentinois et comté de Diois, erigées ainsy qu'elles se comportent et poursuivent tant en justice, juridiction, auctoritez, prerogatives et preeminences, cens, rentes, revenus, profits et emolumens, que autres droits de comté et seigneurie quelconques, sans aucune chose en reserver ny retenir pour nous ou les nostres, hors seulement lesdits droits de souveraineté, foy et hommage lige, en payant toutesfois seulement et acquittant les fiefs et ausmosnes, gages d'officiers et autres charges ordinaires et anciennes estant sur lesdites comtez et seigneuries erigées en et ainsy qu'il appartiendra, le tout selon et ainsy qu'il est contenu en nosdites lettres de transport et cession cyattachées , sans que, sous ombre ou couleur que l'on voudroit dire que le duché de Valentinois et comté de Diois auroient esté, ou estre de nostre domaine dalphinal, ny pour quelconque autre cause ou occasion que ce soit, nous ny nos successeurs ores ou pour le temps avenir puissent donner destourbier ou empeschement à nostredit cousin, ses hoirs et successeurs en la jouissance desdits duché de Valentinois et comté de Diois, sinonque prealablement ils soyent remboursez de ladite somme de cent quinze mil livres tournois, laquelle il a frayée, employée etdespendue pourvenir en nostre service, et de la somme de cinquante mil escus d'or couronné, laquelle il nous a manuellement prestée comme dit est, et à cette fin entant que mestier est, par l'advis et deliberation que dessus de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royale et dalphinale, avons lesdites cession, don et transportdesditsduché de Valentinois et comtéde Diois, aggreez, louez, approuvez, ratifiez et confirmez, et par la teneur de ces presentes aggreons, louons, approuvons, ratifions et confirmons,pour en jouir par nostredit cousin, sesdits hoirs et successeurs, à tousjours plainement et paisiblement, le tout selon et ainsy qu'il est cy-dessus declaré et qu'il est contenu et declaré en nosdites lettres cy-attachées, et au cas que aucune eviction desdits duché et comté s'ensuivroit de fait ou de droit allencontre de nostredit cousin, sesdits hoirs et successeurs, nous promettons, pour nous et nosdits successeurs, les en rendre indemnes et remboursez desdites sommes de cent quinze mille livres tournois et cinquante mil escus couronnez, ensemble de tous autres interets et dommages qu'ils pourroient avoir eus, et à ce faire obligeons nous, nosdits successeurs, biens, terres et seigneuries, par cesdites presentes, que pour ce avons signées de nostre main. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaux les gouverneur, ou son lieutenant, gens de nostre parlement et de nos comptes audit païs, general et tresorier general de nos finances d'iceluy païs, et à tous nos autresjusticiers et officiers, ou à leurs lieutenans presens et avenir, et à chacun d'eux, si comme à luy appartiendra, qu'en faisant ledit seigneur dom Cezar de Borja jouir et user de nos presens don, cession, quittance, transport et delay,ils luy baillent et delivrent, ou fassent bailler et delivrer reaumont et de fait, sifait n'a esté, la possession et saisine desdits duché, comté et seigneuries de Valentinois et Diois, et d'icelles le facent, souffrent et laissent ensemble sesdits hoirs et successeurs jouir et user paisiblement et perpetuellement tout ainsy que dessus est dit; et si aucun empeschement lui estoit fait, mis ou donné au contraire, le facent mettre à plaine delivrance; et par rapportant cesdites presentes signées de nostre main, ouvidimus d'icelles fait sous scel royal ou dalphinal, avec recognoissance sur ce, nous voulons nostre receveur gene neral de nos finances audit païs, ou autres particuliers qui ce pourra toucher, en estre tenus quittes et dechargez, par nosdis gens des comptes, ausquels nous mandons ainsy le faire. Car tel, etc., nonobstant que l'on die ladite duché estre de nostre domaine dalphinal et quelconques ordonnances, restrictions, mandemens ou defences à ce contraires. Et afin, etc.
 Donné aux Montils-sous-Blois, au mois d'avril, l'an de grace 1499 , et de nostre regne le deuxieme.

LETTRES PATENTES PORTANT DON DU DUCHÉ DE BERRY À JEANNE DE FRANCE, FILLE DE LOUIS XI4.

  4 Archives du royaume, vol. J des Ordonnances de Louis XII enregistrées au Parlement de Paris, fol. 33; Mémoriaux de la Chambre des comptes, collection de la cour, t. V, fol. 395; Biblioth. royale, collection Brienne, t. CCCX, fol. 76 et suiv.; ibid. fonds Saint-Victor, 1076, t. V, fol. 391 vº. Louis XII, lorsqu'il était duc d'Orléans, épousa Jeanne, fille de Louis XI. Dès qu'il fut monté sur le trône , il s'occupa des mesures propres à faire annuler ce mariage. Une bulle du papeAlexandreVI du 30juillet 1498, qu'on trouve dans Chopin, Opera, t. II, p. 322 , et dans Duperray, Traité des dispenses de mariage, p. 554, nomma des prélats pour procéder au jugement. Jeanne présenta une requête contre cette demande, qu'on trouve dans l'Histoire de l'Église gallicane, t. XVII, p. 282. La sentence de nullité ne fut prononcée que le 17 décembre 1498. On la trouve dans le Corps diplomatique, t. II, part. 2 , p. 404, col. 1 ; dans Bernier, Histoire de Blois , Preuves , p. 34; dans D. Morice, Histoire de Bretagne, Preuves , t. III, col . 808 ; dans l'Histoire générale des cardinaux, t. III , p. 7; dans Duperray, Traité des dispenses de mariage, p. 560. Il paraît toutefois qu'avant cette sentence, le pape avait, dès le 13 septembre , accordé des dispenses pour le mariage projeté entre Louis XII et Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII, qu'on trouve dans D. Morice, t. III, col. 800. De son côté, dès le 19 août, Louis XII avait fait à Anne de Bretagne la promesse de luirendre Brest etd'autres villes , s'il ne l'épousait pas. (D. Morice, t. III , fol. 799. ) Les lettres du 26 décembre , dont il s'agit ici , donnèrent lieu à des oppositions du procureur général près la Chambre des comptes. Elles ont été interprétées par d'autres lettres du 25 mars 1498, qu'on trouvera ci-après , page 174.

LOUIS XII, à Loudun, 26 décembre 1498.
 Louis, par la grace de Dieu, roy de France, à tous ceux qui ces presentes lettres verront, salut. Comme dès le temps de nostre bas aage eust esté traicté et accordé entre feu nostre très-cher seigneur et cousin le roy Louis XIº de ce nom, d'une part, et feue nostre très-chere dame et mere laduchesse d'Orleans (que Dieu absolve), d'autre part, le mariage de nous et de nostre trèschere et très-amée cousine Jeanne de France, fille naturelle et legitime de nostredict cousin le roy Louis, et sœur de feu nostre très-cher seigneur et cousin le roy Charles VIIIº de ce nom, dernier decedé (que Dieu absolve), lequel mariage dès le commencementdudict traicténe nous aytesté agreable, ne à iceluy ayons eu volonté ne donné consentement en nos cœur et pensée, tant pour la proximité de lignage et cognation spirituelle estant entre nouset nostredicte cousine, comme aussypour aucunes etjustes causes, ains l'ayons dissimulé en nostredicte pensée et courage, durant et depuis la vie desdicts Roys, pour plusieurs causes et raisons , mesmement pour crainte de danger denostre personne, et tousjours avons eu, comme encore de present avons vouloir et desir de faire et contracter mariage ailleurs, selon que pourrons estre conseillez pour le bien de nous et de nostre royaume, et que faire se pourra selon Dieu et l'ordonnance d'Eglise; à l'occasion de quoy et autrement, jaçoit ce que ayons esté par plusieurs années vivans et conversans ensemble nous et nostredite cousine Jeanne de France, ait esté puis nagueres procedé sur le faict de la nullité dudict mariage, par l'authorité de nostre saint-pere le pape, selon et en ensuivant l'ordre de justice et des saints ca nons et decrets, tellement que par sentence des juges deputez et deleguez de nostredict saint-pere ait esté, après grande connoissance de cause et par meure et sainte deliberation de conseil, dict, declaré, prononcé et sentencié ledict mariage avoir esté et estre de nul effect et valeur, et nous et nostre personne estre en liberté etfaculté de pouvoir contracter et proceder à autres nopces et mariages, ainsy que plus à plein est contenu en ladicte sentence. Par quoy soit chose decente et convenable que nous, qui par la grace de Dieu avons succedé à la couronne de France, par le trespas successivement advenú de nosdicts cousins, lesdicts Louis et Charles, desquels nostredicte cousine est fille et sœur, comme dict est, ayons regard à laprovision et entretenement d'elle et de son estat, telle que à fille et sœur de Roys de France convient et doit appartenir.
 Sçavoir faisons que nous, ceconsideré, desirans de tout nostre cœurpourvoir à l'entretenement honnorable de nostredicte cousine, et à l'eslever en tittre et dignité de princesse, pour les raisons dessusdictes et autres grandes causes et considerations à ce nous mouvans, et en faveur delaproximité de lignage dont elle nous atteint, à icelle nostre cousine avons de nostre propre mouvement, certaine science, pleine puissance , authorité royale et grace speciale donné, cedé, baillé, transporté et delaissé, et par la teneur de ces presentes donnons , cedons, baillons, transportons et delaissons en tittre de duché et principauté la duché de Berry, ainsy qu'elle se comporte et poursuyt tant en cités, villes, chasteaux, forteresses, hommes, hommages , vassaux, sujets, rachapts , fiefs, arriere-fiefs , terres, bois , forests, prés, vignes, fours, estangs, moulins, rivieres, amendes, aubeines, forfaictures, confiscations , droicts, rentes et issues, que autres proffits et emolumens quelconques qui en dependent, en faisant, creant icelle nostre cousine duchesse de ladicte duché, pour en jouir par elle, sa vie durant seulement, en tous droicts de seigneurie, honneurs, prerogatives, preeminences, justice et jurisdiction haulte, moyenne et basse, mere et mixte impere et autres droicts quelconques, sans aucune chose y reserver ou retenir à nous, fors les foy et hommage que nostre cousine nous en sera tenue faire, ressort et souveraineté, les gardes des eglises cathedralles et autres de fondation royalle, ou qui sont à ce privilegiés, et les villes, terres et seigneuries de Meun-sur-Yevre, Vierzon et Issoudun, dont nous avons ailleurs disposé, et aussy reservé que nous aurons audict duché un juge des regales et eglises de fondation royalle qui souloient ressortir, du temps que ledit duché estoit baillé en appanage, devant le bailly de Saint-Pierre le Moustier ou son lieutenant au siege de Saincoins, auquel office de juge nous pourvoirons de present et doresnavant, quand vacation y escherra, de telle personne qu'il nous plaira. Et pareillement avons à nostredite cousine, en faveur etpourles causes et considerationsque dessus, donné, cedé, baillé, transporté et delaissé, donnons, cedons, baillons et transportons et delaissons avec ledict duché, les autres terres et seigneuries, domaines et revenus cy-après declairez, pour en jouir par elle, comprins les ressorts et enclaves d'iceux en tous droictsde seigneurie, tant de justice, jurisdiction que autres quelconques, jusques à la somme et valeur de trente mille livres tournois de revenu par chacun an nettement, gages d'officiers, fiefs et aumosnes et charges ordinaires estans sur icelle payez et deduits, à les avoir et prendre par elle, sadite vie durant, à commencer du premierjour d'octobre dernier passé, parses simples quittances, sans ce qu'il lui soit besoin chacun an coucherladicte somme de trente mille livres tournois ou partie d'icelle en nos estats de finances, ne en prendre, lever, ne recouvrer aucunes cedules, descharges, ne autres acquits, selon l'ordre de nosdictes finances. C'EST À SÇAVOIR.  Le revenu, proffit et emolument du domaine de ladite duché de Berry, hors et noncompris lesdictes villes, terres et seigneuries de Meun-sur-Yeure, Vierzon et Issoudun, dont, comme dict est, avons disposé, les revenus, proffits et emolumens des terres et seigneuries de Chastillon-sur-Indre et Pontoise , compris les chasteaux et forteresses d'icelles.
 Le chasteau, revenu, proffit et emolument de la terre et seigneurie de Chasteauneuf-sur-Loire, ainsi qu'en jouissoit nostre feue dame et mere (que Dieu absolve), et les proffits et emolumens des greniers à sel des villes de Bourges, Sancerre, Buzançois , Ponthoise et Silly-le-Chastel, et aussy le revenu des aydes et impositions audict païs et election de Berry. Lesquels membres, portions, revenus et emolumens de nostre domaine et desdicts greniers, aydes et impositions des lieux dessusdicts, nous luy avons baillez et delaissez, baillons et delaissons pour le prix et somme à quoy ils peuventvaloir et monter, sur et en deduction desdicts trente mille livres tournois; et se tant ne se peuvent monter, le surplus voulons, ordonnons et entendons dès à present lui estre baillé, assigné et appoincté sur nos finances dudict païs, autres que celles cy-dessus declarées, ainsy que mieux faire se pourra, jusques au parfaict desdictes trente mille livres tournois de revenu par an ; et, en outre, avons à nostredicte cousine octroyé et octroyons de nostredicte grace speciale, qu'elle puisse pourvoirde plein droict, quandvacation escherra cyaprès par mort, resignation, forfaicture, confiscation ou autrement, en tous les offices ordinaires de ladicte duché de Berry et autres lieux et seigneuries dessusdictes sur lesquels luy avons baillé et assigné lesdictes trente mille livres tournois, etpareillement des benefices d'iceux lieux estans en nostre collation et disposition; et au regard des offices royaux dudict duche et autres terres et seigneuries dessus nommées que luy baillons et delaissons, elle nous ypourra nommer etpresenter, toutes et quantes foisque vacationy escherra, de telles personnes suffisans et idoines qu'il luy plaira et bon luy semblera, ausquels personnages et non à autres, à sadicte nomination et presentation, nous leur donnerons et leur en baillerons nos lettres à ce necessaires, reservé toutesfois de la capitainerie de nostre grosse tour de Bourges, dont nous avons retenu et retenons à nous dès maintenant, et pour lors que vacation y pourroit advenir, la totale disposition. Et pour ce que nostredicte cousine a intention faire la pluspart desa residence audict lieu de Chastillon-sur-Indre, luy avons octroyé et accordé que dès maintenant elle puisse pourvoir à l'office de capitaine dudict lieu de Chastillon-sur-Indre, de telle personne qu'il luy plaira et bon luy semblera; et au regard du bailly et autres offices tant ordinaires qu'extraordinaires des lieux dessus nommez, nostredicte cousine y laissera et entretiendra les personnes qui à present les tiennent et possedent, sans en faire aucune mutation ou disposition jusques à ce que vacation y escherra. Et rendront les receveurs du domaine, tant dudict duché que autres terres et seigneuries contenues en ce present don et delais, compte ou reliqua du faict de leur recepte à nostredicte cousine ou ses officiers, moyennant et parmy ce qu'ils seront tenus envoyer les doubles signez et expediez en nostre chambre des comptes à Paris pour la conservation de nostredict droict. Et d'abondant de nostre plus ample et speciale grace, pleine puissance et authorité royale, avons en faveur et contemplation que dessus voulu et octroyé, voulons et octroyons, et nous plaist que nonobstant ce present don, cession et delais que faisons à nostredicte cousine de la duché de Berry et des autres seigneuries, membres et portions de nostre domaine dessus declarez , que les appellations qui seront doresnavant interjettées du bailly dudict duché, ressortiront nuement et sans moyen en nostrecour de parlement à Paris; et en tant que touche les autres terres et seigneuries, ès cours, et devant les baillifs , officiers et juges des lieux, par-devant lesquels ressortissent de present.
 Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nos amez et feaux gens de nostredit parlement de nos comptes et tresoriers à Paris, generaux de nos finances, aux baillifs de Berry, Orleans et Touraine, et à tous nos autres justiciers et officiers ou àleurs lieutenans presens et à venir, et à chacun d'eux, si comme luy appartiendra, que de nos presens don, cession, transport et delais, et detout le contenu en cespresentes ils facent, souffrent et laissent nostredicte cousine jouir et user pleinement et paisiblement, en lui baillant et delivrant, ou faisant bailler et delivrer la possession et saisine dudict duché, terres et seigneuries, domaines et revenus dessusdicts, tout ainsi et par la forme et maniere que dessus est dict, à commencer du premier jour d'octobre dernier passé, et s'aucun empeschement luy estoit faict, mis ou donné au contraire, facent le mectre à pleine delivrance, et par rapportant cesdictes presentes, signées de nostre main au vidimus d'icelles faict sous le scel royal pour une fois, et recognoissance de nostre dicte cousine sur ce seulement, nous voulons tous nos receveurs qu'il appartiendra et à qui ce pourra toucher, en estre quittes et deschargés, etc. Entesmoin de ce, etc.
 Donné à Loudun, le vingt-sixiesme jour de decembre, l'an de grace mil quatre cens quatre-vingt-dix-huict, et de nostre regne le premier. Signé LOUIS. Parle Roy, l'evesque d'Alby, Me Philippe Baudot, conseiller au grand conseil en la courde parlement àParis, et autres presens, Robertet.

CONTRAT DE MARIAGE DU ROI LOUIS XII AVEC ANNE DE BRETAGNE, VEUVE DU RƠI CHARLES VIII¹.

  1 Dumont, Corps diplomatique, t. III, part. 2 , p. 405, col. 1; D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne , t. III, col. 813 et 815. L'original n'existe pas aux Archives; on y trouve seulement une copie à la section administrative, série K, carton 77, n° 8.

LOUIS XII, à Nantes, 7 janvier 1498.
 Loys, etc. Comme puis nagueres feu nostre cher et cousin le roi CharlesVIII, que Dieu absolve, soit allé de vie à trepas, delaissa nostre très-chere et très amée cousine la reine Anne, duchesse de Bretagne, sa femme et espouse, et sans aucuns enfans descendus d'eux, et soit ainsi que depuis ledit trepas plusieurs pourparlerz de traitez de mariage de nous et d'elle ayent esté faits d'une part et d'autre, tellement que sur iceux ayent esté mis et dressez par escrit, entre autres certains articles et convenances dudit traité de mariage, desquels la teneur s'ensuit.
 « Ensuivent aucuns articles des convenances et accords du mariage faits entre le très-chrestien roi de France Louis XII de ce nom, d'une part, et dame Anne, veuve, duchesse de Bretagne, d'autre part.
 « 1. Premierement, a esté accordé entre eux que, pour le bien et utilité de leurs païs et seigneuries, ils ont voulu, consenti et promis, veulent, consentent et promettent de prendre par mariage l'une partie l'autre ; c'est à savoir, ledit Roi très-chrestien, ladite dame Anne pour sa femme et epouse, et ladite dame Anne, duchesse dessusdite, ledit Roi très-chrestien pour son mari et epoux , et ce dans le jour de mardi prochain, huitieme de ce mois de janvier prochain.
 « 2. Item, a esté accordé que lesdites epousailles seront faites dans le chasteau de Nantes.
 « 3. Item, et à ce que lenom et la principauté de Bretagne ne soit et ne demeure aboli pourle temps àvenir, et que le peuple d'icelui païs seroit secouru et soulagé de leurs necessitez et affaires, a esté accordé que le second enfant masle, ou fille au defaut de masle, venant de leurdit mariage, et aussi ceux qui isseront respectivement et par ordre, seront et demeureront princes dudit païs, pour enjouir etuser comme ont de coustume faire les ducs ses predecesseurs, en faisant par eux au Roi les advenances accoustumées; et s'il avenoit que d'eux deux en ledit mariage n'issist ou vinst qu'un seul enfant masle, que cy-après issent ou vinssent deux ou plusieurs enfans masles ou filles , audit cas ils succederont pareillement audit duché, comme dit est.
 « 4. Item, a esté accordé que ladite dame jouira entierement, savie durant, du revenu du douaire à elle baillé et assigné par le feu roi Charles VIIIº de ce nom, que Dieu absolve, par ci-devant son mari et epoux.
 « 5. Item, que ledit Roi très-chrestien, outre le douaire du roiCharles, bail lera et constituera, et dès à present baille et constitue pareil et semblable douaire que ledit roi Charles lui avoit baillé, au cas toutefois que ledit Roi très-chrestien allast de vie à trepas devant ladite dame; et outre ce, audit cas, elle jouira des meubles de leur communauté. Et si icelle dame alloit de vie à trepas avant le Roi très-chrestien, sans enfans d'eux, ou que la lignée d'eux procreée audit mariage defauldroit, en ce cas ledit Roi très-chrestien jouira, sa vie durant seulement, desdits duché de Bretagne et autres païs et seigneuries que ladite dame tenoit à present; et après le decez d'icelui Roi trèschrestien, les prochains vrais heritiers de ladite dame succederont ausdits duché et seigneuries, sans que les autres Rois ni successeurs enpuissent que reller ni aucune chose demander.
 « Lesdites choses dessusdites sont accordées entre le Roi très-chrestien et ladite dame, et icelles ont promis entretenir l'un vers l'autre en bonne foi et parole de prince et de princesse, par ces presentes signées de leurs seings manuels, le septieme jour de janvier, l'an 1498. Ainsi signé, LOUIS, ANNE. »
 Savoir faisons que nous, desirans ledit mariage avoir et sortir son plein et entier effet, pour le bien de nous et de nos roïaume, païs et seigneuries, et lesdits articles et convenances entre autres choses estre duement et entierement entretenus, avons par grande et meure deliberation de plusieurs princes de nostre sang et lignage, prelats et gens de nostre conseil, de nostre certaine science, pleine puissance et autorité roïale, iceux articles et le contenu en iceux promis,jurez et accordez, promettons, jurons et accordons, en bonne foi et parole de Roi, entretenir et entierement accomplir, tant pour nous que pour nos successeurs, selon leur forme et teneur, sans jamais aller ni venir au contraire, sous l'obligation de tous nos biens presens et à venir, lesquels pour ce faire nous avons soumis et soumettons à toutes cours et juridictions seculieres et ecclesiastiques, et aux censures du saint-siege apostolique, en toute maniere et ample forme. Et affin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons signé ces presentes de nostre main, et à icelles fait mettre nostre scel, sauf en autres choses nostre droit, et l'autruy en toutes.
 Donné au chastel de Nantes, au mois de janvier, l'an de grace mil quatre cent quatre-vingt et dix-huit, et de nostre regne le premier. Signé LOUIS.
 Par le Roi, les cardinaux de Saint-Pierre ad Vincula et d'Amboise; vous le chancelier, le sieur de Ravestin, le prince d'Orange, le marquis de Rothelin, les comtes de Rohan, de Guise et de Ligny, de Dunois et de Rieux; les evesques d'Alby, de Saint-Brieuz, de Luçon, de Leon, de Septe, de Cornouaille, de Bayeux; les sieurs de Gié et de Baudricourt, mareschaux de France; de Sens, chancelier de Bretagne; de la Trimouille, de Chaumont, de Beaumont, d'Avaugour et de Tournon; les abbez de Redon, vice-chancelier de Bretagne, et de Moustier-Ramé; Jacques de Beaume, general des finances de Languedoc; maistre Charles de Hautbois, president des enquestes; Philippe Baudot, gouverneur de la chancellerie de Bourgogne; René Dupont, archidiacre de Ploechatel, Amaury de Quenechguilly, Roland de Soliezon, Alain Marco, senechal de Rennes, maistre des requestes et conseillers ordinaires de Bretagne;Gabriel Miron, medecin ordinaire, et plusieurs autres presens.
 Scellé en lacs de soie et cire verte.

LETTRES PATENTES QUI CONFIRMENT ET MAINTIENNENT LES OFFICES ET OFFICIERS DU DUCHÉ DE BRETAGNE 1.

  1 La Gibonnais, Recueil des édits, ordonnances et règlements concernant les fonctions de la Chambre des comptes de Bretagne, t. IV, p. 25 ; D. Morice, Histoire de Bretagne, Preuves, p. 815.

LOUIS XII, à Nantes, 7 janvier 1498.
Loys, etc. Savoir faisons à tous presens et advenir, comme ce jourd'hui en traitant , accordant et convenant le mariage qui presentement a esté fait et accordé entre nous, de nostre part, et nostre très-chere et très-amée cousine la royne Anne, duchesse de Bretaigne, de la sienne, plusieurs points et articles ayant esté accordés entre nous et elle, et iceux mis et redigez par escript , desquels articles et convencions avons accordé deux entrevues seulement estre faictes, l'une contenant les choses particulieres des personnes de nous et de notre dite cousine et des enfans qui ysseront de nous deux, selon les lettres et contrats sur ce faits et passez, et l'autre touchant les choses concernant le gouvernement, administracion, droits, libertez, preeminences, offices et officiers dudit pays, tant en fait de l'Eglise, de la justice, noblesse, que generalité dudit pays, et desquels articles et convencions la teneur s'en suit.
 1. Item, c'est à savoir, que en tant que touche de garder et conduire le pays de Bretaigne et les subjets d'icelui en leurs droits, libertez, franchises, usaiges, coustumes et tailles, tant aux frais de l'Eglise, de la justice, comme chancellerie, conseil, parlement, chambre des comptes, tresorerie generalle, et autres de la noblesse et commun peuple, en maniere que aucune nouvelle loi ou constitution n'y soit faite, fors en la maniere accoustumée par les Roys et ducs predecesseurs de nostredite cousine la duchesse de Bretaigne; que nous voullons, entendons, accordons et promettons garder et entretenir ledit pays et subjets de Bretaigne en leurs droits et libertez, ainsi qu'ils en ont joui du temps des feux ducs predecesseurs de nostredite cousine.
 2. Item, que en tant que touche de ne mener ni changer les offices ne officiers que nostre cousine a mis et instituez es dits offices en sondit pays depuis le trespas de feu nostre très-cher seigneur et cousin le roi Charles VIII de ce nom (que Dieu absolve), mary et espoux de nostredite cousine, et de ratifier et de confermer iceux offices et officiers, ensemble les autres choses faites par nostredite cousine pendant icelui temps, sans ce qu'il soit besoin de lever autres lettres fors la lettre de ce present traicté; nous voulons, accordons, promettons, ratifions et confermons lesdites choses.
 3. Item, en ce qui touche que quand auxvacations d'iceux offices adviendra par nost forfacture ou autrement, qu'il soit sur ce pourveu auxdits offices à la nomination de nostredite cousine, et que lesdites lettres en soyent scellées en Bretaigne, en sommes contens, et en accordons bien nous et nostredite cousine.
 4. Item, que en tant que touche que ès impositions de fouaiges et autres subsides livrez ou cueillis audit pays de Bretaigne, les gens des estats dudit pays soyent convoquez et appellez en la forme accoustumée, et que les sujets d'icelui pays ne soyent tirez hors icelui enpremiere instance ne autrement que de barre en barre, et en cas de ressort du parlement de Bretaigne et en deni de droit et endenegation de justice, en lamaniere accoustumée du temps des ducs predecesseurs de nostredite cousine; nous sur ce voulons et entendons , accordons et promettons les y entretenir pour en user en la forme accoustumée d'ancienneté.
 5. Item, que en tant que touche nos guerres que pourrions cy-après faire hors dudit pays de Bretaigne, que les nobles d'icelui pays ne soyent subgets à nous suivre hors dudit pays, fors en cas d'extresme necessité, ou qu'il y ait son consentement de nostredite cousine et des estats dudit pays; nous sur ce voulons et entendons ne tirer lesdits nobles hors du pays sans grande et extresme necessité.
 6. Item, que en tant que touche de nous nommer et intituler duc de Bretaigne ès choses qui concerneront le fait dudit pays, et de continuer la monnoie d'or et d'argent sous le nom et titre de nostre cousine, sur ce voulons et entendons, accordons et promettons de ainsi le faire et de y faire par maniere que les droicts de la couronne de France et de la duché de Bretaigne seront gardez d'une part etd'autre , et pour ce faire y seront commis, tant de nostre part que la part de nostredite cousine et pays de Bretaigne, bons et notables personnaiges pour le tout bien dresser en façon que les droits de Bretaigne seront gardez.
 7. Item, et en tant que peut toucher que s'il advenoit que de bonne raison il y eust quelque cause de faire mutacions, particulierement en augmentant, diminuant ou interpretantlesdits droits, coustumes, constitutions ou etablissemens, que ce soit parle parlement et assemblées des estats dudit pays, ainsi que de tout tems est accoustumé, et que autrement ne soit fait; nous voulons et entendons que ainsi se fasse, appellez toutes voyes les gens des trois estats dudit pays de Bretaigne.
 8. Item, que en tant que touche que les benefices de quelque estat qu'il soit, en suivant les droits dudit pays, soient baillez aux gens d'icellui pays de Bretaigne, et que autres ne soyent reçus à les avoir par lettres de naturalité ne autrement, fors par la nomination de nostredite cousine, en ayant egard au grand nombre de nobles dudit pays qui ont accoustumé de vivre et d'estre entretenus desdites choses; nous sur ce complairons à nostredite cousine, ainsi que entre nous et elle sera advisé et ordonné.
 9. Item, que en tant que touche que nuls prevosts, capitaines ni autres n'ayent juridiction fors les chancellerie, senechaulx et autres ordinaires, chacunen son regard, comme ils avoient du tems et du vivant desdits feus ducs, nous sur ce voulons, entendons, accordons et promettons de ainsi le faire en la forme accoustumée d'ancienneté.
 10. Item, que en tant que touche certaine remontrance declairée esdits articles, contenant que, par les droits, libertez, indults et anciennes possessions dudit pays qui est limitrophe, la nomination et presentation aux eveschez , quant vacation advient, appartiennent aux princes dudit pays, mesmement de Nantes, qui est une des principales citez et forteresses dudit pays, et qu'en usant desdits indults et anciennes possessions sur elle, nostre et trèscher seigneur et cousin le duc de Bretaigne, François second de ce nom, et pere de nostredite cousine, nomma et presenta au feu pape Innocent maistre Guillaume Gueguen, archidiacre et chanoine de Nantes, son prochain conseiller et serviteur, et par le chapitre d'icelle eglise canoniquement eslu futur pasteur et evesque, et depuis le trespas dudit duc par nosdite cousine, duchesse et heritiere dudit duc son pere, consenti et approuvé, et de nous ce (entant que mestier estoit) nommé et presenté; sur la provision duqueljaczoit que ledit pape Innocent eust rescript audit feu duc que (ayant voulu que ladite nomination sortist effet) il en pourvoyeroit ledit Gueguen dudit eveschez de Nantes; ce neanmoins, enpourveut feu maistre Robert d'Espinay, et après son decez maistre Jehan d'Espinay son frere, evesque de Mirepoix , lesquels nostredite cousine disoit avoir esté et estre tous deux lors en party à elle, et d'avoir, par indus et sinistres moyens et contre le vouloir et plaisir d'elle, s'efforcé de occuper et tenir ledit eveschez de Nantes, et lesquels toujours elle eut et a à present pour suspects et non agreables ; requerant que sur ce que en regardant lesdits droits, libertez, indults et possessions, voulions tant faire et tenir main envers nostre saint-pere le pape, saint-siege apostolique et tous autres, que lesdits droits gardez et observez, et que ladite nomination faite par le feu duc, et depuis par nostre cousine, de la personne dudit Gueguen comme à eux seur et feable, sortist son plein et entier effet, en approuvant et confirmant le saisissement par nostredit cousin du temporel dudit evesché à la preservation de ses droits; nous sur ce en escriprons volontiers à nostredit saint-pere, et tiendrons la main à cette fin.
 11. Item, que en tant que touche que les matieres de finances, de creances et de benefices finissent au parlement de Bretaigne, sans qu'il ne soit fait ailleurs ressort , ainsi qu'il a toujours esté accoustumé, nous sur ce voulons, entendons, accordons et promettons de ainsi faire et entretenir en la forme et maniere accoustumée d'ancienneté.
 12. Item , que en tant que touche que aucunes executions de mandemens ne autres exploits soyent faits audit pays de Bretaigne, il soit accordé et convenu que les deux prochainsjuges royaulx et duchaulx dessus les lieux en ayent la connoissance, et comparoissent sur lesdits lieux pour en decider et faire la fin ; nous voulons et entendons, accordons et promettons de ainsi le faire en suivant ce qui en sera advisé et conclu par les gens des trois estats dudit pays de Bretaigne, et cependant en sera fait ainsi qu'on a accoustumé d'ancienneté.
 13. Item, que en tant que touche pour obvier aux questions et differens qui peuvent advenir sur les marches et limites de France et de Bretaigne, il soit convenu et accordé que les deux prochains juges royaulx et duchaulx dessus les lieux en ayentla connoissance, et comparoissent sur les lieux pour en decider et faire fin; nous voulons, entendons, accordons et promettons de ainsi le faire, en suivant ce qui en a esté par ci-devant ordonné sur ce, et qu'on a accoustumé d'ancienneté.
 Lesquelles choses dessusdites nous avons ce jour-ci accordées, voulues, consenties , promises et jurées, accordons, voulons, consentons, promettons et jurons, par ces presentes signées de nostre main, en foy et parole de Roy tenir et accomplir sans venir au contre.
 Si donnons en mandement, etc.

LETTRES QUI CONFIRMENT LES PRIVILÉGES DE LA VILLE DE BOURGES 1.

  1 Archives du royaume , section judiciaire, registre J des Ordonnances enregistrées au Parlement, fol. 186. Les lettres du mois d'avril 1491 , qu'elles contiennent, n'ont été indiquées par M. de Pastoret qu'en note de la page 220 du tome XX. Charles VIII en avait déjà donné au mois d'avril 1483 (Trésor des chartes, registre 2262, n° 107), qui ne se trouvent point dans notre collection. Leslettres dejanvier 1498 ayant été simplement adressées au bailli de Bourges, d'autres lettres, du 4 août 1505, les adressèrent au Parlement pour y être enregistrées.

LOUIS XII, à Nantes , janvier 1498.
 Loys, par la grace de Dieu, roy de France, savoir faisons à tous presens et à venir nous avoir receue humble supplication de noz chers et bien-amez les maires et eschevins, bourgeois, manans et habitans de nostre ville et cité de Bourges, contenant que feu nostre très-cher seigneur et cousin le roy Charles, que Dieu absoille, leur accorda certains statuz et ordonnances, points et articles, oultre les anciens privileges, franchises, libertez et droits qu'ils avoient, et ont de noz predecesseurs Roys, touchant le bien, prouffit, utilité, gouvernement et police de ladite ville, et des habitans d'icelle, contenus et declarez en ses lettres en forme de chartre qu'il leur en octroya, desquelles la teneur s'ensuit.

CHARLES VIII, à Paris , avril av. Pâques 1491.
 « Charles, par la grace de Dieu, roy de France 2, savoir faisons à tous pre- sens et à venir nous avoir receue humble supplicacion de noz chers et bienamez les eschevins, bourgeois, manans et habitans de nostre ville et cité de Bourges, contenant quepour le grant bien, prouffit, utilité, entretenement, police, auctorité, gouvernement et bonne conduite des affaires de nostredite ville, cité et fausbourgs de Bourges, iceulx supplians ont advisé, conclud et deliberé entre eulx en assemblée de ville certains statuz, privileges, ordonnances, points et articles cy-après declarez leur estre très-necessaires, oultre les anciens privileges qu'ilz ont de nous et de noz predecesseurs Roys de France, ainsi et en la forme et maniere qui s'ensuit.

  2 Ces lettres se trouvent encore aux Archives du royaume, section administrative, K, 2º série , 176, liasse 1 ", fol. 139.

 « Premierement, qu'il soitle plaisir du Roy que iceulx habitans, oultre leurs quatre eschevins et gouverneurs puissent, par chacun an, lejoursainct Pierre, eslire ung maire, lequel sera president et chef desdits eschevins, et de la communaulté de ladite ville pour son temps qu'il sera esleu, et lequel pourra estre continué dudit office par les eslizans desdits maires et eschevins, selon la forme cy-après declarée à une autre année, qui seront deux années et non plus. Item pour obvier aux subornacions et abuz qui se pourroient faire touchant les eslections desdits maires et eschevins en l'assemblée generale, comme il a esté fait par cy-devant, parce que le populaire eslict celuy de qui il est prié, sans savoir et enquerir qui est le plus propre audit estat de maire ou eschevin : se fera l'eslection desdits maire et eschevins en la maniere qui s'ensuit, c'est assavoir, chacun an, le dimanche de devant la feste sainct Pierre, ung chacun eschevin en son quartier fera assemblée par cry public et à son de trompe au lieu qu'il verra le plus convenable tous les habitans de sondit quartier de tous estatz , et illec en sa presence seront esleuz huit notables personnaiges dudit quartier licenciés en droit canon ou civil, bourgeois ou marchans non faisant euvre mescanique, ausquelz huit personnages ainsi esleuz sera donné puissance d'eulx trouver et comparoir le jour sainct Pierre en lachambre de laville à l'eure accoustumée, par-devant monsieurle bailly de Berry ou son lieutenant, à eslire avecques les officiers ordinaires du Roy et de la ville, et autres qui seront esleuz pour les autres quartiers et les maire et eschevins pour l'année en suivant, et ceulx qui seront esleuz par la plus grant part soit desdits nombre des dessusdits ou autres gens de ladite ville des estatz et condictions dessusdits, seront et demeure ront maire et eschevins pour ar ladite année tout ainsi que s'ils avoient eté esleuz par toute ladite ville en l'assemblée generale, selon que par cy-devant a esté fait.
 « Item et lesquelz huit personnages esleuz enchacun quartierqui sont xxxii, les xxou XXIIII desdits XXXII, les autres appellez avec ledit maire et eschevins, auront puissance de faire disposer et ordonner de tous les affaires qui surviendront en ladite ville pour quelque cause que ce soit, pour ladite année qu'ilz seront esleuz, sinon que lesdits affaires feussent si grans que lesdits maires et eschevins, xxxII, xx ou xxim d'eulx ainsi esleuz advisassent estre besoing de assembler enplus grant nombre lesdits habitans par congregacion generale ou autrement. Item et lesquelz maire et eschevins à leur institucion seront tenuz faire le serement accoustumé ès mains de monsieur le bailly de Berry ou son lieutenant, avant que aucunement s'entremectre de la charge et exercice de leur office. Item et ledit serementfait, pourront lesdits maire et eschevins eulx assembler en leur chambre de leurdite ville ou ailleurs, et appeller ou faire appeller lesdits xxxII, xxIII ou xx des personnages dessus nommés, pour traicter des besongnes et affaires de ladite ville toutesfoiz et quantes que bon leur semblera, sans autre congé ne licence de justice, et sans ce qu'ilz soyent tenuz convoquer ne appeller aucuns des officiersduRoy janvier1498. nostredit seigneur en leur assemblée, si bon ne leur semble. Item et aura ledit maire la presidence, auctorité et puissance de conclure à la plus grant part ès assemblées et congregacion desdits maire et eschevins desdits xx, xxiii ou xxxII personnages esleuz, et en son reffuz ou absence, le plus ancien desdits eschevins, excepté ès assemblées generales de ladite ville esquelles presidera et conclurra ledit bailly ou sondit lieutenant, selon la forme dessusdite. Item et lesquelz maires et eschevins ainsi esleuz et instituez après le serement fait ès mains de mondit sieur le bailly ou son lieutenant, auront par prevencion, auctorité, puissance, juridiction et contrainte en ladite ville et fausbourgs, touchantle fait, estat et police de ladite ville. C'est assavoir touchant la repparation des ponts, portes, chaussées, curementet nectoyement de ladite ville, sur la forme des ediffices qui se feront de nouvel en ladite ville par surprinse des rues publicques, faire contraindre à fairepuys, scyternes, amas et provisions d'eaues et autres choses pour obvier aux inconveniens de feu ou autres inconveniens qui pourroient survenir en ladite ville, sur les faultes et abuz de mesures et moultures des meusniers, sur le fait du poix dupain des boulengiers, et sur les chairs et poissons des bouchers et poissonniers regatiers et revendeurs de vivres, et sur toutes choses concernans victuailles en ladite ville, sur le boys, charbon, fagotz, tumbereaulx, tieulle, sable, chaux, lacte , carreau, ou sur toutes autres matieres concernant le fait de la reediffication de ladite ville et police d'icelle, et aussi de contraindre à faire guect, porte eschauguetes et arriereguet tous ceulx qui de droit et ancienne usance yseront tenuz, toutesfoiz et quantes que parleRoy nostre souverain seigneur ou ses officiers leur sera ordonné. Item ettouchant tous et chacuns les pointz dessus declarez et autres concernans le fait et police de ladite ville pourra icelluy maire et eschevins, ou les trois d'iceulx avec ledit maire par leur sentence et appoinctement sommairement et de plain etsans figure de procès multer et pugnir les rebellans et contredisans et desobeissans par emprisonnement et amendes peccunielles jusques à la somme de soixante solz tournois et au-dessoubz, selon l'exigence des cas , de laquelle le tiers sera à applicquer au domayne du Roy, et l'autre partie sera employée aux affaires communes etlevée par le receveur des deniers communs deladite ville. Item et s'il est appel desdits sentence ou appoinctemens desdits maire et eschevins, elles ressortiront par-devant mondit sieur le bailly de Berry ou sondit lieutenant audit siege de Bourges, sans ce que lesdits maire et eschevins soyent tenuz payer aucune amende, s'il estoit dit mal jugé, parce que ès choses dessusdites ils sont juges royaulx. En nous humblement requerant lesdits supplians que nostre plaisir soit avoir agreables, louer, ratiffier, confirmer et approuver lesdits statuz, ordonnances, privileges et articles dessus incorporez et inserez, octroyer et ordonner que ilz et leurs successeurs en puissent doresenavant joyr et user, et sur ce leur impartir nostregrace. Pourquoy nous, ces choses considerées, inclinans liberallement à la supplicacion et requeste desdits supplians, à iceulx supplians avons les iceulx statuz, ordonnances, privileges et articles dessus inserez, greez , louez, ratiffiez, confermez et approuvez, et par la teneur de ces presentes de nostre plus ample grace especial, certaine science, plaine puissance et auctorité royal, greons , louons, ratiffions, confermons et approuvons, voulons et octroyons que iceulx supplians et leurs successeurs en puissent doresenavant et àtousjours mais joyr et user entierement, plainement et paisiblement, sans ce que aucun destourbier ou empeschement leurpuisse estre fait, mis ou donné ores ne pour le temps àvenir, au contraire en aucune maniere.
 « Si donnons en mandement par ces presentes à nostre bailly de Berry et à tous noz autresjusticiers et officiers ou à leurs lieutenans presens et à venir, et chacun d'eulx sur ce requis et comme à lui appartiendra, que de nostre presente grace et octroy de tout le contenu en ces presentes ils facent, seuffrent et laissent lesdits supplians et leurs successeurs joyr et user plainement et paisiblement, sans faire ne souffrir aucun empeschement leur estre fait ou donné aucontraire; aincois aucun destourbier ouempeschement leur avoit esté ou estoit en ce fait, mis ou donné en aucune maniere, si l'ostent et mectent, ou facent oster et mectre incontinent et sans delay à plaine delivrance, et aussi facent lesdits statuz, privileges, ordonnances , points et articles dessusdits inserez et incorporez, entretenir, garder et observer de point en point sans aucunement les enfraindre, car ainsi le voulons et tel est nostre plaisir; et affin que ce soit chose ferme et estable àtousjours, nous avons fait mectre nostre scel à cesdites presentes, sauf en autres choses nostre droit, et l'aultruy en toutes.
« Donné à Paris, au mois d'avril, l'an de grace mil cccc. quatre-vings et onze avant Pasques, et de nostre regne le neufviesme. Ainsi signé, par le Roy, les contes de Foix et de Liney, les sires de la Tremoille et de Myolans, messire Charles de la Vernande, chevalier, maistre des requestes ordinaire et autres presens, Robertet, visa contentorum, MENON. »
Au moyen et parvertu desquelles lettres lesdits supplians ont depuis tousjours joy paisiblement du contenu en icelles; mais ils doubtent que si elles n'estoient par nous confermées, noz officiers ou autres leur y voulsissent cyaprès faire donner en la joyssance aucun destourbier ou empeschement, et pour ce, nous onthumblement suppliés et requis noz grace et liberalité leur estre sur ce imparties. Pourquoy nous, les choses dessusdites considerées, inclinans liberalement à la supplicacion et requeste desdits supplians, et desirans favorablement les traicter, mesme les continuer et entretenir ès privileges et facultez à eulx donnez et concedez par nosdits predecesseurs, en consideracion de labonne amour, loyaulté et fidelité qu'ils ont eue et portée à nosdits predecesseurs et à nous font et esperons qu'ilz facent, à iceulx maire, eschevins, bourgeois, manans et habitans de ladite ville de Bourges supplians, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, lesdites lettres dessus transcriptes, ensemble l'effect et contenu d'icelles, avons louées, confermées , ratiffiées et approuvées, louons, ratiffions, confermons et approuvons pouren joyr parlesdits supplians et leurs successeurs, tant et si avant que duement et justement ilz en ont par cy-devant joy du vivant de nostredit feu seigneur et cousin.
 Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au bailly de Berry et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieutenans presens et à venir, et à chacun d'eulx, si comme à lui appartiendra, que de noz presens grace, confirmacion, ratifficacion et choses dessusdites ils facent, souffrent et laissent lesdits habitans jouyr et userplainement et paisiblement, sans leur faire, mectre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire, lequel se fait, mis oudonné leurestoit, faictes le reparer et mectre incontinent et sans delay à plaine delivrance: car tel est nostre plaisir; et affin que ce soit chose ferme et estable àtoujours, nous avons fait mectre nostre scel à cesdites presentes, sauf en autres choses nostre droit, et l'aultruy en toutes.
 Donné à Nantes, au moys dejanvier, l'an de grace mil cccc.quatre-vings-dix-huit, et de nostre regne le premier. Sic signatum, par le Roy, le sieur du Coudray, messire Gabriel de la Chastre, chevalier, capitaine de la garde et autres presens, Robertet.

DE MARIAGE DU ROI LOUIS XII AVEC ANNE DE BRETAGNE, VEUVE DU ROI CHARLES VIII¹.

  1 Dumont, Corps diplomatique, t. III, part. 2 , p. 405, col. 1; D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne , t. III, col. 813 et 815. L'original n'existe pas aux Archives; on y trouve seulement une copie à la section administrative, série K, carton 77, n° 8.

LOUIS XII, à Nantes, 7 janvier 1498.
 Loys, etc. Commepuis nagueres feu nostre cher et cousinleroi Charles VIII, que Dieu absolve, soit allé de vie à trepas, delaissa nostre très-chere et très amée cousine la reine Anne, duchesse de Bretagne, sa femme et espouse, et sans aucuns enfans descendus d'eux, et soit ainsi que depuis ledit trepas plusieurs pourparlerz de traitez de mariage de nous et d'elle ayent esté faits d'une part et d'autre, tellement que sur iceux ayent esté mis et dressez par escrit, entre autres certains articles et convenances dudit traité de mariage, desquels la teneur s'ensuit.
 « Ensuivent aucuns articles des convenances et accords du mariage faits entre le très-chrestien roi de France Louis XII de ce nom, d'une part, et dame Anne, veuve, duchesse de Bretagne, d'autre part.
 « 1. Premierement, a esté accordé entre eux que, pour le bien et utilité de leurs païs et seigneuries, ils ont voulu, consenti et promis, veulent, consentent et promettent de prendre par mariage l'une partie l'autre ; c'est à savoir, ledit Roi très-chrestien, ladite dame Anne pour sa femme et epouse, et ladite dame Anne, duchesse dessusdite, ledit Roi très-chrestien pour son mari et epoux , et ce dans lejour de mardi prochain, huitieme de ce mois de janvier prochain.
 « 2. Item, a esté accordé que lesdites epousailles seront faites dans le chasteau de Nantes.
 « 3. Item, et à ce que lenom etlaprincipautéde Bretagne ne soit et ne demeure aboli pourle temps àvenir, et que le peuple d'icelui païs seroit secouru et soulagé de leurs necessitez et affaires, a esté accordé que le second enfant masle, ou fille au defaut de masle, venant de leurdit mariage, et aussi ceux qui isseront respectivement et par ordre, seront et demeureront princes dudit païs, pour enjouir etuser comme ont de coustume faire les ducs ses predecesseurs, en faisant par eux au Roi les advenances accoustumées; et s'il avenoit que d'eux deux en ledit mariage n'issist ou vinst qu'un seul enfant masle, que cy-après issent ou vinssent deux ou plusieurs enfans masles ou filles , audit cas ils succederont pareillement audit duché, comme dit est.
 « 4. Item, a esté accordé que ladite dame jouira entierement, savie durant, du revenu du douaire à elle baillé et assigné par le feu roi Charles VIIIº de ce nom, que Dieu absolve, par ci-devant son mari et epoux.
 « 5. Item, que ledit Roi très-chrestien, outre le douaire du roiCharles, baillera et constituera, et dès à present baille et constitue pareil et semblable douaire que ledit roi Charles lui avoit baillé, au cas toutefois que ledit Roi très-chrestien allast de vie à trepas devant ladite dame; et outre ce, audit cas, elle jouira des meubles de leur communauté. Et si icelle dame alloit de vie à trepas avant le Roi très-chrestien, sans enfans d'eux, ou que la lignée d'eux procreée audit mariage defauldroit, en ce cas ledit Roi très-chrestien jouira, sa vie durant seulement, desdits duché de Bretagne et autres païs et seigneuries que ladite dame tenoit à present; et après le decez d'icelui Roi trèschrestien, les prochains vrais heritiers de ladite dame succederont ausdits duché et seigneuries, sans que les autres Rois ni successeurs enpuissent que reller ni aucune chose demander.
 « Lesdites choses dessusdites sont accordées entre le Roi très-chrestien et ladite dame, et icelles ont promis entretenir l'un vers l'autre en bonne foi et parole de prince et de princesse, par ces presentes signées de leurs seings manuels, le septieme jour de janvier, l'an 1498. Ainsi signé, LOUIS, ANNE. »
 Savoir faisons que nous, desirans ledit mariage avoir et sortir son plein et entier effet, pour le bien de nous et de nos roïaume, païs et seigneuries, et lesdits articles et convenances entre autres choses estre duement et entierement entretenus, avons par grande et meure deliberation de plusieurs princes de nostre sang et lignage, prelats et gens de nostre conseil, de nostre certaine science, pleine puissance et autorité roïale, iceux articles et le contenu en iceux promis,jurez et accordez, promettons, jurons et accordons, en bonne foi et parole de Roi, entretenir et entierement accomplir, tant pour nous que pour nos successeurs, selon leur forme et teneur, sans jamais aller ni venir au contraire, sous l'obligation de tous nos biens presens et à venir, lesquels pour ce faire nous avons soumis et soumettons à toutes cours et juridictions seculieres et ecclesiastiques, et aux censures du saint-siege apostolique, en toute maniere et ample forme. Et affin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons signé ces presentes de nostre main, et à icelles fait mettre nostre scel, sauf en autres choses nostre droit, et l'autruy en toutes.
 Donné au chastel de Nantes, au mois dejanvier, l'an de grace mil quatre cent quatre-vingt et dix-huit, et de nostre regne le premier. Signé LOUIS.
 Par le Roi, les cardinaux de Saint-Pierre ad Vincula et d'Amboise; vous le chancelier, le sieur de Ravestin, le prince d'Orange, le marquis de Rothelin, les comtes de Rohan, de Guise et de Ligny, de Dunois et de Rieux; les evesques d'Alby, de Saint-Brieuz, de Luçon, de Leon, de Septe, de Cornouaille, de Bayeux; les sieurs de Gié et de Baudricourt, mareschaux de France; de Sens, chancelier de Bretagne; de la Trimouille, de Chaumont, de Beaumont, d'Avaugour et de Tournon; les abbez de Redon, vice-chancelier de Bretagne, et de Moustier-Ramé; Jacques de Beaume, general des finances de Languedoc; maistre Charles de Hautbois, president des enquestes; Philippe Baudot, gouverneur de la chancellerie de Bourgogne; René Dupont, archidiacre de Ploechatel, Amaury de Quenechguilly, Roland de Soliezon, Alain Marco, senechal de Rennes, maistre des requestes et conseillers ordinaires de Bretagne;Gabriel Miron, medecin ordinaire, et plusieurs autres presens.
 Scellé en lacs de soie et cire verte.

LETTRES PATENTES QUI CONFIRMENT ET MAINTIENNENT LES OFFICES ET OFFICIERS DU DUCHÉ DE BRETAGNE 1.

  1 La Gibonnais, Recueil des édits, ordonnances et règlements concernant lesfonctions de la Chambre des comptes de Bretagne, t. IV, p. 25 ; D. Morice, Histoire de Bretagne, Preuves, p. 815.

LOUIS XII, à Nantes, 7 janvier 1498.
 Loys, etc. Savoir faisons à tous presens et advenir, comme cejourd'hui en traitant , accordant et convenant le mariage qui presentement a esté fait et accordé entre nous, de nostre part, et nostre très-chere et très-amée cousine la royne Anne, duchesse de Bretaigne, de la sienne, plusieurs points et articles ayant esté accordés entre nous et elle, et iceux mis et redigez par escript , desquels articles et convencions avons accordé deux entrevues seulement estre faictes, l'une contenant les choses particulieres des personnes de nous et de nostredite cousine et des enfans qui ysseront de nous deux, selon les lettres et contrats sur ce faits et passez, et l'autre touchant les choses concernant le gouvernement, administracion, droits, libertez, preeminences, offices et officiers dudit pays, tant en fait de l'Eglise, de la justice, noblesse, que generalité dudit pays, et desquels articles et convencions la teneur s'en suit.
 1. Item, c'est à savoir, que en tant que touche de garder et conduire le pays de Bretaigne et les subjets d'icelui en leurs droits, libertez, franchises, usaiges, coustumes et tailles, tant aux frais de l'Eglise, de la justice, comme chancellerie, conseil, parlement, chambre des comptes, tresorerie generalle, et autres de la noblesse et commun peuple, en maniere que aucune nouvelle loi ou constitution n'y soit faite, fors en la maniere accoustumée par les Roys et ducs predecesseurs de nostredite cousine la duchesse de Bretaigne; que nous voullons, entendons, accordons et promettons garder et entretenir ledit pays et subjets de Bretaigne en leurs droits et libertez, ainsi qu'ils en ont joui du temps des feux ducs predecesseurs de nostredite cousine.
 2. Item, que en tant que touche de ne mener ni changer les offices ne officiers que nostre cousine a mis et instituez esdits offices en sondit pays depuis le trespas de feu nostre très-cher seigneur et cousin le roi Charles VIII de ce nom (que Dieu absolve), mary et espoux de nostredite cousine, et de ratifier et de confermer iceux offices et officiers, ensemble les autres choses faites par nostredite cousine pendant icelui temps, sans ce qu'il soit besoin de lever autres lettres fors la lettre de ce present traicté; nous voulons, accordons, promettons, ratifions et confermons lesdites choses.
 3. Item, en ce quitouche que quand auxvacations d'iceux offices adviendra par nost forfacture ou autrement, qu'il soit sur ce pourveu auxdits offices à la nomination de nostredite cousine, et que lesdites lettres en soyent scellées en Bretaigne, en sommes contens, et en accordons bien nous et nostredite cousine.
 4. Item, que en tant que touche que ès impositions de fouaiges et autres subsides livrez ou cueillis audit pays de Bretaigne, les gens des estats dudit pays soyent convoquez et appellez en la forme accoustumée, et que les sujets d'icelui pays ne soyent tirez hors icelui enpremiere instance ne autrement que de barre en barre, et en cas de ressort du parlement de Bretaigne et en deni de droit et endenegation de justice, en lamaniere accoustumée du temps des ducs predecesseurs de nostredite cousine; nous sur ce voulons et entendons , accordons et promettons les y entretenir pour en user en la forme accoustumée d'ancienneté.
 5. Item, que en tant que touche nos guerres que pourrions cy-après faire hors dudit pays de Bretaigne, que les nobles d'icelui pays ne soyent subgets à nous suivre hors dudit pays, fors en cas d'extresme necessité, ou qu'il y ait son consentement de nostredite cousine et des estats dudit pays; nous sur ce voulons et entendons ne tirer lesdits nobles hors du pays sans grande et extresme necessité.
 6. Item, que en tant que touche de nous nommer et intituler duc de Bretaigne ès choses qui concerneront le fait dudit pays, et de continuer la monnoie d'or et d'argent sous le nom et titre de nostre cousine, sur ce voulons et entendons, accordons et promettons de ainsi le faire et de y faire par maniere que les droicts de la couronne de France et de la duché de Bretaigne seront gardez d'une part etd'autre , et pour ce faire y seront commis, tant de nostre part que la part de nostredite cousine et pays de Bretaigne, bons et notables personnaiges pour le tout bien dresser en façon que les droits de Bretaigne seront gardez.
 7. Item, et en tant que peut toucher que s'il advenoit que de bonne raison il y eust quelque cause de faire mutacions, particulierement en augmentant, diminuant ou interpretantlesdits droits, coustumes, constitutions ou etablissemens, que ce soit parle parlement et assemblées des estats dudit pays, ainsi que de tout tems est accoustumé, et que autrement ne soit fait; nous voulons et entendons que ainsi se fasse, appellez toutes voyes les gens destrois estats dudit pays de Bretaigne.
 8. Item, que en tant que touche que les benefices de quelque estat qu'il soit, en suivant les droits dudit pays, soient baillez aux gens d'icellui pays de Bretaigne, et que autres ne soyent reçus à les avoir par lettres de naturalité ne autrement, fors par la nomination de nostredite cousine, en ayant egard au grand nombre de nobles dudit pays qui ont accoustumé de vivre et d'estre entretenus desdites choses; nous sur ce complairons à nostredite cousine, ainsi que entre nous et elle sera advisé et ordonné.
 9. Item, que en tant que touche que nuls prevosts, capitaines ni autres n'ayent juridiction fors les chancellerie, senechaulx et autres ordinaires, chacunen son regard, comme ils avoient du tems et du vivant desdits feus ducs, nous sur ce voulons, entendons, accordons et promettons de ainsi le faire en la forme accoustumée d'ancienneté.
 10. Item, que en tant que touche certaine remontrance declairée esdits articles, contenant que, par les droits, libertez, indults et anciennes possessions dudit pays qui est limitrophe, la nomination et presentation aux eveschez , quant vacation advient, appartiennent aux princes dudit pays, mesmement de Nantes, qui est une des principales citez et forteresses dudit pays, et qu'en usant desdits indults et anciennes possessions sur elle, nostre et trèscher seigneur et cousin le duc de Bretaigne, François second de ce nom, et pere de nostredite cousine, nomma et presenta au feu pape Innocent maistre Guillaume Gueguen, archidiacre et chanoine de Nantes, son prochain conseiller et serviteur, et par le chapitre d'icelle eglise canoniquement eslu futur pasteur et evesque, et depuis le trespas dudit duc par nosdite cousine, duchesse et heritiere dudit duc son pere, consenti et approuvé, et de nous ce (entant que mestier estoit) nommé et presenté; sur la provision duqueljaczoit que ledit pape Innocent eust rescript audit feu duc que (ayant voulu que ladite nomination sortist effet) il en pourvoyeroit ledit Gueguen dudit eveschez de Nantes; ce neanmoins, enpourveut feu maistre Robert d'Espinay, et après son decez maistre Jehan d'Espinay son frere, evesque de Mirepoix , lesquels nostredite cousine disoit avoir esté et estre tous deux lors en party à elle, et d'avoir, par indus et sinistres moyens et contre le vouloir et plaisir d'elle, s'efforcé de occuper et tenir ledit eveschez de Nantes, et lesquels toujours elle eut et a à present pour suspects et non agreables ; requerant que sur ce que en regardant lesdits droits, libertez, indults et possessions, voulions tant faire et tenir main envers nostre saint-pere le pape, saint-siege apostolique et tous autres, que lesdits droits gardez et observez, et que ladite nomination faite par le feu duc, et depuis par nostre cousine, de la personne dudit Gueguen comme à eux seur et feable, sortist son plein et entier effet, en approuvant et confirmant le saisissement par nostredit cousin du temporel dudit evesché à la preservation de ses droits; nous sur ce en escriprons volontiers à nostredit saint-pere, et tiendrons la main à cette fin.
 11. Item, que en tant que touche que les matieres de finances, de creances et de benefices finissent au parlement de Bretaigne, sans qu'il ne soit fait ailleurs ressort , ainsi qu'il a toujours esté accoustumé, nous sur ce voulons, entendons, accordons et promettons de ainsi faire et entretenir en la forme et maniere accoustumée d'ancienneté.
 12. Item , que en tant que touche que aucunes executions de mandemens ne autres exploits soyent faits audit pays de Bretaigne, il soit accordé et convenu que les deux prochainsjuges royaulx et duchaulx dessus les lieux en ayent la connoissance, et comparoissent sur lesdits lieux pour en decider et faire la fin ; nous voulons et entendons, accordons et promettons de ainsi le faire en suivant ce qui en sera advisé et conclu par les gens des trois estats dudit pays de Bretaigne, et cependant en sera fait ainsi qu'on a accoustumé d'ancienneté.
 13. Item, que en tant que touche pour obvier aux questions et differens qui peuvent advenir sur les marches et limites de France et de Bretaigne, il soit convenu et accordé que les deux prochains juges royaulx et duchaulx dessus les lieux en ayentla connoissance, et comparoissent sur les lieux pour en decider et faire fin; nous voulons, entendons, accordons et promettons de ainsi le faire, en suivant ce qui en a esté par ci-devant ordonné sur ce, et qu'on a accoustumé d'ancienneté.
 Lesquelles choses dessusdites nous avons ce jour-ci accordées, voulues, consenties , promises et jurées, accordons, voulons, consentons, promettons et jurons, par ces presentes signées de nostre main, en foy et parole de Roy tenir et accomplir sans venir au contre.
 Si donnons en mandement, etc.

DÉCLARATION QUI INTERPRÈTE LES LETTRES DU 26 DÉCEMBRE PRÉCÉDENT RELATIVES À LA CESSION DU BERRY À JEANNE DE FRANCE 1.

  1 Archives du royaume, section judiciaire , vol. des Ordonnances de Louis XII coté J, fol. 72.

LOUIS XII, à Blois, 25 mars 1498.
 Louys, par la grace de Dieu, Roy deFrance, à nos amez et feaux conseillers les gens de nostre cour de parlement à Paris, salut et dilection. Comme dès le mois de decembre dernier passé, nous eussions octroyé nos lettres patentes à nostre très-chere et très-amée cousine Jeanne de France, à vous addressans, par lesquelles, pour l'entretenement de son estat, comme fille et sœur des Roys de France, luy eussions transporté entre autres choses à sa vie seulement la duché de Berry et ses appartenances, en toutes preeminences et prerogatives de titre de duché, reservé les villes de Mehun-sur-Evre, Issoudun et Vierzon, dontjà avions disposé, et eussions aussi à nous retenu, que deslors dudit transport pourrions mettre audit Bourges de par nous un juge royal, qui auroit la cognoissance des gens privilegiez et de fondation royale, ensemble de tous les autres cas royaux, et desquels par cy-devant ladite duché estant ès mains des fils de France pour leur appanage, en cognoissoit nostre bailly de Saint-Pierre le Moustier à son siegede Sancoins: et soit ainsi que depuis nostredite cousine vous eust fait presenter nosdites lettres, pour icelles publier et verifier, ce qu'avez fait, en tant qu'à vous appartenoit dès le 10º jour de janvier dernier passé, sauf et reservé qu'avez ordonné que la cognoissance desdites regales, cas royaux, et des eglises de fondation royale, se traicteroit pardevant nostre plus prochain juge royal, lesquelles lettres depuis par nostre ordonnance et vostre commission ont esté mises à executionparnostre amé et feal conseiller en nostredite cour maistre Pierre de Refuge; en mettant lesquelles à execution en l'auditoire dudit Bourges, où là estoient assemblez les maires, eschevins, et grand nombre de gens dudit Bourges, et après que par son ordonnance, lecture eust estéfaicte desdites lettres, et de sadite commission, et avant que passer outre, lesdicts habitants de ladicte ville de Bourges par leur conseil eussent faict proposer, que touchant ledict transport, ainsi par nous faict, à la vie de nostredicte cousine, combien qu'ils eussent privilege de ne les point aliener, ne mettre hors de nos mains, ains deussent toujours demeurer ès mains de nos successeurs Roys de France, ils n'y vouloient aucunement contredire, ains estoient deliberez entierementy obeyr : mais que nous, en ensuivant la teneur de nosdictes lettres, et dès le premierjour de fevrier dernier passé, avions ordonné et commis nostre amé et feal conseiller et chanbellan Gilbert Bertrand , bailly de Berry, nostre juge desdictes regales, et lui en avions faict expedier nos lettres patentes, au moyen desquelles il avoit esté receu au serment par nostre amé et feal chancellier, ainsi qu'il lui estoit mandé par nosdictes lettres, au moyen de quoy il avoit jà commencé à cognoistre desdictes regalles et cas royaux, etpour ce où ledict nostre conseiller de Refuge voudroit entendre par sadicte execution desdictes lettres, commettre la cognoissance desdictes regalles pardevant autrejuge que ledict bailly, ainsi par nous nouvellement creé et commis pour en cognoistre dedans ladicte ville de Bourges et non ailleurs, requerant estre plus amplement ouys, et par luy reçues à opposition, et le negoce estre par luy renvoyé pardevant vous en nostredicte cour; lequel plaidoyé ainsi faict, fut advoué et employé par les gens du conseil des doyens, chanoines et chapitres dudict Bourges, des thre sorier et chapitre de la Saincte-Chapelle dudict Bourges; des abbayes de Sainct-Sulpice , Chaizal-Benoist, Sainct-Ambroise et autres de fondation royalle dudict duché, comme du toutl'on dict apparoir par le procès-verbal dudict de Refuge, lequel toutefois ne les veut recevoir à ce regard à opposition; combien qu'ils luy fissent apparoir de nosdictes lettres patentes à la creation dudict office en datte subsequent, le publicata par vous faict sur lesdites lettres de nostredicte cousine : mais appointez surle champ qu'en procedant à l'execution desdictes lettres il faisoit delivrance dudict duché à nostredicte cousine, le tout selon le contenu de nosdictes lettres du mois dedecembre, et la restriction par vous mise en icelles publiant : mais declara que du plaidoié desdicts habitans et gens d'eglises feroit mention en sondict procès-verbal que leur bailleroit, pour par après avoir leur recours par devers nous ou en nostredicte cour ; pour laquelle cause ladicte nostre cousine et lesdits maires et eschevins nous ont fait remonstrer lesdictes choses, afin d'avoir de nous lettres de declaration de nostre vouloir à vous addressantes, et aussi afin que nostre plaisir fust que doresnavant tous les traictez, contracts et obligations qui se passeront soubs le seel de la prevosté de Bourges, qui toujours et de toute ancienneté, et passé trois cens ans, a esté et est reputé seel authentique, fussent executoires, et emportassent garnison de main, avec tous tels privileges qu'il faisoit par avant ledict transport, par nous faict à nostredicte cousine, dudict duché, et pour lors que tenions ledict duché en nos mains. Pourquoy nous voulans de plus en plus bien traicter nostredicte cousine et la favoriser en ses affaires, considerans que le transport que lui avons faict dudict duché n'est que sa vie seulement, et qu'en sommes demeurez et toujours demeurons seigneur proprietaire, ayans memoire de tant bons, grands et loyaux services, que les habitants dudit Bourges ont par cy-devant faits à nos predecesseurs Roys de France et à nous et à nostredicte cousine, ausdicts manans et habitants avons octroyé et octroyons par ces presentes, que doresnavant la cognoissance desdictes regales , cas royaux, et de privileges de fondation royalle, se traicte et decide en ladicte ville de Bourges pardevant ledict bailly, comme nostrejuge royal en ce regard particulierement et par commission expresse, ainsi par nous de nouvel instituée et creée, sans en ce que pour raison desdictes choses ne des dependances de nostredit bailly de Sainct-Pierre le Moustier ou autres en puisse prendre soubs ombre de la restriction par vous faicte en ladicte publication desdictes lettres de transport par nous faict ànostredicte cousine, lacour, jurisdiction ou cognoissance : et aussi que doresnavant tous traictez, contracts, lettres et obligations passées soubs le seel des contracts de ladite prevosté de Bourges emportent garnison de main et execution, comme ils faisoient auparavant le transport ainsi par nous faict dudict duché à nostredicte cousine.
 Pourquoy est-il que nous vous mandons par ces presentes, et pour les causes contenues en icelles, commandons que doresnavant de nostre presente ordonnance, deliberation et volonté, et sans vous arrester à ladicte restriction par vous faite à la publication desdictes lettres par nous octroyées à nostredicte cousine, vous laissez et souffrez audict Gilbert Bertrand et à ses successeurs durant la vie seulement de nostredicte cousine, comme juges royaux par nous commisetdeleguez pour cognoistreet deciderdes cas royaux et des privileges de fondation royale en nostredicte ville de Bourges , cognoistre et decider desdictes causes de regales et cas royaux, tout ainsi etpar la forme et maniere qu'en eust cogneu et decidé nostredict bailly de Saint-Pierre le Moustier, n'eust esté ceste nostre presente declaration. Et afin que ceste nostre ordonnance soit ferme et stable, et aussi que nul ne puisse pretendre cause d'ignorance, que doresnavant les traictez, contracts et lettres passées soubs ledict seel aux contracts de la prevosté dudit Bourges soyent d'efficace et privilegiez, en ce touchantla garnison de main, comme ils estoient lorsque tenions ledict duché en nostre main, nous voulons que ces presentes soyent par vous publiées à jour de plaidoirie et huis ouvert, en nostredicte cour et ailleurs où il appartiendra : car tel est nostre plaisir, nonobstant comme dessus ladicte restriction et quelconques ordonnances, mandemens ou deffences par nous ou nos predecesseurs faicts au contraire. Et pour ce que de ces presentes l'on pourra avoir à besongner en plusieurs et divers lieux , nous voulons qu'au vidimus d'icelles faicts soubs le seelde ladicte prevosté de Bourges, foy soit adjoustée comme à ce present original.
 Donné à Blois, le 25ºjour de mars, l'an de grace 1498 avant Pasques, et de nostre regne le premier. Ainsi signé, par le Roy, monseigneur le duc de Lorraine, le sieur de Piennes, presens. Hervoer.

LETTRES QUI CONFIRMENT ET AMPLIFIENT LA DONATION, FAITE AU MOIS D'AOÛT 1498, DU COMTÉ D'ISSOUDUN À CÉSAR DE BORGIA¹.

  1 Archives du royaume, section judiciaire, volume J des Ordonnances enregistrées au Parlement, fol. 66. Trésor des chartes, reg. 233, n° 17.

LOUIS XII, aux Montilz-sous-Blois, avril 1499.
 Loys, par la grace de Dieu, roy de France, sçavoir faisons à tous presens et àvenir. Comme par autres nos lettres cy-attachées soubz le contrescel de nostre chancellerie verifiées par nos cours de parlement et chambre des comptes à Paris, nous eussions donné, ceddé, quitté et transporté et delaissé en proprieté et seigneurie ànostre très-cher et très-amé cousin Cezarde Borja, duc de Valentinois et comte de Diois, les ville et chastellenie d'Issoudun et appartenances , ensemble le proffit et esmolument du grenier à sel de ladite ville d'Issoudun, tant en faveur de mariageque entendions et entendons faire de sa personne en cestuy nostre royaume avec certaine nostre parente, que pour plusieurs grands, louables et profitables plaisirs que, nostre saint-pere nous afait en faveur de nostredit cousin, et aussi nostredit cousin en plusieurs et diverses manieres; et depuis eussions envoyé querir nostredit cousin, qui lors estoit à Rome au service de nostredit saint-pere, qui seroit venu à nostre très-grande requeste par devers nous en cestuy nostre royaume fort honorablement et à grands frais, en delaissant le service de nostredit saint-pere, où il estoit grandement et honorablement appointé, et depuis son avancement nous a nostredit cousin presté et manuellement nombré, tanten argent comptant que bagues etjoyaux, la somme de cinquante mil livres tournois, la quelle somme ne luy pouvons, pour le present, bonnement rendre, obstant les grands et urgans affaires que avons de present, tant en cestuy nostre royaume que hors iceluy, et à cette cause en decharge et soulage de nos finances ordinaires, estat et cours d'icelles, solution et payement de ladite somme, et pour en demeurer quitte envers nostredit cousin, avons, en derechefconfirmant, etde nouvel, tant que besoing seroit, pour les causes susdites, transportans lesdits cession et transport jà par nous faites, et par nosdites lettres cy-attachées, à nostredit cousin comme dit est, d'iceux ville, chastellenie et profit dudit grenier à sel d'Issoudun, outre ceddé, quitté, transporté et delaissé, ceddons, quittons, transportons et delaissons, de nostre plaine puissance et auctorité royale, par ces presentes et à tousjours, à nostredit cousin et à ses successeurs, le profit et emolument de nostre siege royal estant audit lieu, à quelque estimation et valeur qu'il puisse monter et valoir, à commencer du jour que nostredit cousin a pris possession desdites ville et chastellenie d'Issoudun. Et oultre pour certaines grandes causes et considerations à ce nous mouvans, avons à iceluy nostre cousin et à ses successeurs à tousjours mais donné et octroyé, donnons et octroyons, par cesdites presentes, la nomination des offices dudit grenieràsel de ladite ville d'Issoudun, et autres officiers desquels les seigneurs de nostre royaume ayant droit de nomination aux offices royaux ont accoustumé de nommer, sans laquelle nomination premiere avoir obtenue de nostredit cousin et ayant cause de luy n'entendons aucunement pourveoir, ny estre par nous pourveu ne nos successeurs doresnavant esdits offices; et si pourveu autrement y estoit par nous, sous nosdits successeurs, en quelque maniere que ce fust, voulons, entendons et declarons des à present pour lors lesdites provision ou don que fait en avons nuls et de nul effect et valeur, et que àiceux ne fust ou ne soit aucunement obey ny obtemperé, voulons et nous plaist, et à ce soumettons et obligeons nous, nos biens et de nos successeurs, que toutes les choses dessusdictes par nous ceddées, transportées, octroyées et delaissées à nostredit, tant par nosdites lettres cy-attachées que par cesdites presentes, nostredit cousin, sesdits hoirs et successeurs en jouissent et usent àtousjours en tous droits, honneurs, profits et revenus quelconques, et que lesdits droits, profits et revenus il, sesdits hoirs et successeurs les ayent et possedent plainement et paisiblement et àtousjours, et que iceux puissent prendre, ceullir et recevoir par leurs mains, ou iceux prendre, ceullir et recevoir par leurs commis et officiers, à commencer comme dessus, sans que, pour quelque cause ou occasion que ce soit, par nous ou nosdits successeurs, pourle temps à venir, puisse en la jouissance de toutes les choses dessusdites ainsy par nous transportées , ceddées, quittées, octroyées et delaissées à nostredit cousin, luy estre fait, mis ou donné, soit en general ou en particulier, aucun destourbier ny à sesdits hoirs et successeurs. Si donnons en mandement par ces presentes à nos amez et feaux les gens de nostre cour de parlement et de nos comptes et tresoriers à Paris, au bailly de Berry et eleus sur le fait de lajustice de nos aides audit païs, et à tous nos autres justiciers, officiers, ou à leurs lieutenans presens as et à venir, et àchacun d'eux presens et àvenir, si comme à luy appartiendra, que de nos present cession, bail, transport et delay et octroy, et tout le contenue esdites lettres cy-attachées sous nostre contrescel ils facent, souffrent et laissent nostredit cousin, ses hoirs et successeurs, jouir et user plainement et paisiblement, et par rapportant cesdites presentes signées de nostre main ou vidimus d'icelles, fait sous scel royal, pour une fois et reconnoissance de nostredit cousin sur ce seulement, nous Montilz-sous-Blois, voulons tous nos receveurs et autres à qui ce pourra toucher en estre tenus quittes et dechargez par nosdits gens des comptes sans difficulté. Car tel est nostre plaisir, nonobstant quelconques ordonnances, restrictions, mandemens ou deffenses à ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous, etc. sauf, etc.
 Donné aux Montils-sous-Blois, au mois d'avril, l'an de grace 1499, et de nostre regne le second.

LETTRES PAR LESQUELLES LE ROI ADOPTE CÉSAR BORGIA 2.

  2 Je n'ai pu trouver ce documentauxArchives du royaume, et je le publie d'après la copie qu'on en trouve dans le tome 174, fol. 189 de la collection Brienne de la Bibliothèque royale.

LOUIS XII, à Romorantin , mai 1499.
 Ludovicus, Dei gratia, rex Francorum, Siciliæ, Hierusalem, dux Mediolani, illustri Cæsari Borgiæ, duci Valentiniensi, fideli consanguineonostrocarissimo, salutem. Ex reliquis justiciæ quas, præstante virtutum Domino, studiosissimi virtutum colimus, illam imprimis regiæ convenire potestatijudicamus, et nostris passim majoribus assuetam summo studio exercemus, utpro suaquemque virtute et officii præstiti merito nostræ gratitudinis retributione muneremur. Cum itaque tu, quem propriæ virtutis admiratione ducti ad nos ex Italiæ partibus evocavimus, expectationem nostram tam cumulatissime expleveris utilia nobis opera per te tuosque præstando, ut nostri consanguinis et dominiorum collationem anobis promerueris, et ut pernova quæ prioribus ingeris erga nos merita ampliorem nostræ magnificentiæ largitatem in dies provocare non desistis, sic nos merito de honorum tuorum amplificatione solliciti novorum munerum collatione cumulare cogitamus. Cum igitur adsint tibi ex insigni prosapia dignæ facultates, adsint et virtutes facultatibus majores, exstent grandiaquoque officiorum tuorum erga nos merita, quibus neutiquam paria quivis ex conjunctissimis nobis sanguine præstare hoc tempore potuisset, præstandum tibi decrevimus, quod tibi maxime credimus convenire, et quod perpetuum sit singularis dilectionis et gratitudinis erga te nostrum testimonium, ut ad pristinum tuæ vetustæ nobilitatis splendorem, nostri quoque cognomine insigniaris , et simul in regiam domum familiamque nostram adopteris prout petisti, et de nostra scientia motuque proprio ac de plenitudine nostræ dominicæ potestatis plenoquejure conferimus et adoptamus, ita utposthac et deinceps tu, liberique, posterique tui ex regali domo familiaque nostra de Francia ab omnibus haberi etnuncupari possitis, et armorum nostrorum insignia, tria videlicet aurea lilia in cærulei seu azuri coloris campo distincta ita gestare possitis, ut prioribus armis vestris addita primam et alteram illi obliquam quadripartiti scuti partem obtineant sicut in præsenti privilegio apparent, utque ipsis armis sive insignibus in omnibus tam civilibus quam bellicis certaminibus et apparatibus uti libere et licite possitis, dictique liberi posterique possint tenere scientia ac potestate prædictis, voluimus, decrevimus et declaramus, quibuscumque in contrarium factis aut faciendis non obstantibus nec obstituris ; in cujus rei perpetuam memoriam et testimonium, literas tibi fecimus nostra propria manu subscriptas et sigillo nostro in pendenti scilicet his cordis, quod pro dignitate muneris ex purissimo auro hac vice duntaxat cudi fecimus communitas.
 Datum Romorentino, in mense maii, anno Domini millesimo quatercentesimo nonagesimo nono, et regni nostri secundo, LOUIS. Et super plicam : Per regem, domino cardinale Ambosiæ, archiepiscopo Rothomagenci, et aliis præsentibus. Signatum Robertet.

Inventaire - sommaire des archives départementales antérieures à 1790

出版
1880年
引用サイト
Google Books

E. 538. (Liasse.) 7 pièces, parchemin; 4 pièces, papier.
1467-XVIII° siècle. — VERMONNET DE LA ROMAGÈRE (DE). — Fragment d'inventaire contenant l'analyse de titres compris entre les dates de 1345 et 1681.

 Commission donnée par Alain d'Albret, comte de Dreux, de Gavre, de Penthièvre et de Périgord, lieutenant général du Roi, à Simon de Vermonnet et Etienne de Hons, écuyers, de se transporter ès sénéchaussées de Guyenne, de Bazadais, des Lannes et d'Armagnac, pour au nom du Roi, confisquer les corps et biens de tous nobles ou autres tenant noblement en fief ou arrière-fief, et de toutes autres gens ayant coutume de s'armer et suivre la guerre, qui, au mépris du ban et arrière-ban publié par Sa Majesté, auraient différé de prendre les armes. (20 avril 1476).
 Vidimus desdites lettres et d'autres semblables, itératives des précédentes, données aux mêmes, le 17 juillet de la même année.
 Procuration générale donnée par haut et puissant seigneur Gaston de Montferrand, seigneur dudit lieu, à Simon de Vermonnet, écuyer, (1481).
 Contrat de mariage entre Jean, fils de noble homme Pierre, seigneur des hôtels nobles de La Filholie et de La Sépière, damoiseau, et demoiselle Marquise de Flammenche (alias Flamenc ), fille de feu Hélie de Flamenc, seigneur de Buret (14 février 1490).
 Vente par Alain d'Albret à Simon de Vermonnet, de la terre, seigneurie et paroisse de Saint-Jory, avec le château de Roucessil, dans la châtellenie d'Excideuil, vicomté de Limoges (1491).
 Inventaire des lettres, titres et enseignements que donne maître Jacques Lemoëte à monsieur de la Romagère, maître d'hôtel de très-haut et très-puissant prince monseigneur Alain d'Albret, pour des terres assises au duché d'Alençon et pour d'autres terres assises en la province du Perche, près Nogent-le-Rotrou (1493).
 Procuration générale donnée par Alain d'Albret à Simon de la Romagère et à Renaud de Saint-Chamans (1497).
 Ratification par Jean d'Albret, roi de Navarre, de la vente faite par Alain d'Albret, son père à Simon de Vermonnet, « de tous et chacuns les cens, rantes, hommages, dommaines, droiz et autres revenuz que lesdits seigneurs père et fils pouvoient avoir et lor compectoient et appartenoient en la paroisse et bourg et leurs dépendances quelconques de Saint-Jory-les-Bleus, près Corgnac », avec la maison de Roussessil ( au château de Pau , le 17 avril 1506.)
 Main-levée et surcis d'hommage accordés par Alain d'Albret à demoiselle Blanche deSaint-Martin, veuve de Simon de la Romagère, et à ses enfants (24 avril 1506).

E. 539. (Liasse.)13 pièces, parchemin ; 6 pièces, papier.
1509-1587.

 Procuration donnée par Alain d'Albret à noble homme Charles de la Romagère, seigneur dudit lieu et de Roussessil, à l'effet d'aller traiter avec Françoise d'Albret, duchesse de Brabant, comtesse douairière de Nevers, au sujet des terres de La Chapelle et d'Argent, en Berri (1509).
 Procuration et commission donnée par Alain d'Albret à Charles de la Romagère, son maître d'hôtel, à l'effet d'aller prêter au duc de Longueville l'hommage à lui dû par ledit seigneur d'Albret pour ses terres d'Escoches, d'Almenèches et de Morterre, en Normandie, tenues de lui à cause de sa seigneurie de Montgomery (1511).
 Mandement par lequel Alain d'Albret, « pour ce que le commun bruyt estque les Anglois, ennemys de Monseigneur le Roy et de son royaume, se préparent pour faire une descente en ceste duché de Guyenne, pour nuyre audit seigneur et occuper son bien, pays et terre, » ordonne à Charles de la Romagère de se transporter dans les comté de Périgord, vicomté de Limoges, chatellenies et places d'icelles, pour y faire montre de tous les sujets capables de porter les armes, soit piques, soit hallebardes, soit arbalètes ou arquebuses, prendre d'eux le serment de bien et loyalement servir le Roy envers et contre tous, et les conduire où il sera ordonné (5 mars 1513 ancien style, et 1514 nouveau style).
 Procuration donnée par Alain d'Albret et le cardinal d'Albret, son frère, à Charles de la Romagère, à l'effet de recueillir les parts qui leur reviennent de la succession de mademoiselle de Montrésor, leur sœur (1514).
 Procuration donnée par Alain d'Albret à Simon de la Romagère, à l'effet de vendre, moyennant 2,000 livres tournois, à Jehan Dubec, la somme de 200 livres tournois de rente annuelle et perpétuelle sur le comté de Dreux (1520.).
 Contrat de mariage, entre Pierre de la Romagère, écuyer, seigneur de la Romagère, la Fillolie, Roussessil et autres lieux, d'une part ; et demoiselle Bartholmine, fille de Jehan de Moneys, écuyer, et de feue demoiselle Catherine Gombauld, d'autre part (28 février 1538).
 Sentence interlocutoire entre dame Françoise de la Romagère, au nom et comme héritière de feu maître Jean de laRomagère, son oncle, en son vivant protonotaire apostolique, avec l'autorité de Charles de Farges, écuyer, seigneur de La Chapelle-Fouchier, en Périgord, et de Meillard, en Limousin, son mari, d'une part, et maître Jean Bordée le vieux, receveur des tailles, pour le Roy, en Périgord, d'autre part, au sujet de la succession dudit Jean de la Romagère (1562). — Certificat de bons services etbrevet d'exemption accordé par Blaise de Montluc, chevalier de l'ordre du Roi , capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances de S. M. et son lieutenant général au gouvernement de Guyenne, à Pierre de la Romagère, écuyer, seigneur de La Filholie, et à Jehan de Masval (?), aussi écuyer, seigneur dudit lieu (5 novembre 1567).
 Contrat de mariage de René Gourdin, écuyer, fils de Guillaume Gourdin, aussi écuyer, seigneur de Puygibaud, avec demoiselle Françoise de la Romagère, fille de feu Pierre de la Romagère et de demoiselle Bertholmine de Moneys, en présence de messire Gaston de La Marthonie, chevalier de l'ordre du Roi, sieur de La Marthonie et du château bas de Pérignac, de Georges de Ribeyreys, écuyer, sieur dudit lieu, de Jehan de Vauconcourt, sieur dudit lieu, de François de Jussac, écuyer, sieur d'Ambleville, de Jehan Le Cocq, écuyer, de Jean de la Salmonie, écuyer, sieur dudit lieu, d'Etienne Du Bart, écuyer, sieur du Cluseau et de La Bertrandie, et de François de Rayac, écuyer, sieur dudit lieu (7 février 1583) ;- de Rolland de Saint-Cier, écuyer, seigneur d'Yssenac, paroisse de Saint-Cir en Poitou, et de La Rivière, près les Cars, paroisse de Flavignac, en Limousin, d'une part, avec demoiselle Françoise de la Romagère, fille de feu Pierre de la Romagère et de demoiselle Bertholmine de Moneys, assistée de Gaston de la Romagère, son frère, d'autre part, en présence de Gaston de la Marthonie, de Georges de Ribeyreys, de Pierre Savard, prêtre, curé de Cournhac, et de Jean de la Ribière (31 mai 1587).

記載日

 2024年9月18日

更新日

 2024年10月2日